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tomime parlent beaucoup de son talent de cantatrice ; de cette façon, chacun trouve en elle ce qu’il n’y cherchait pas, et tous sont contens. Mlle Jenny-Colon est une femme comme tout bon amateur d’opéra-comique doit en souhaiter à son théâtre favori, pour jouer les pièces de Marsollier et chanter la musique de Champin. Malheureusement il n’est plus guère question aujourd’hui de Marsollier ni de Champin, cela soit dit avec tout le respect dû à l’ancienne renommée de ces deux hommes. En vérité, on ne conçoit rien aux hésitations continuelles des directeurs du théâtre de la Bourse : sitôt qu’ils ont fait un pas, ils reculent comme s’ils craignaient de s’être trop avancés. À peine ont-ils engagé Mme Damoreau, qu’ils s’empressent d’enlever Mlle Jenny-Colon au Vaudeville, dont elle faisait les délices, pour l’amener sur leur scène, où son talent gracieux doit échouer. À cela on vous répond : mais il fallait bien cependant remplacer Mme Pradher. Et d’abord, pourquoi remplacer Mme Pradher ? Il semble, au contraire, que des administrateurs d’un théâtre lyrique, quelque peu soucieux de la prospérité musicale de leur entreprise, doivent battre des mains et se féliciter, lorsqu’il leur arrive, par fortune, qu’une cantatrice telle que Mme Pradher se retire. À vrai dire, le théâtre de l’Opéra-Comique fera bien, à l’avenir, de chercher ses prime donne autre part qu’aux Variétés ; et, pour peu que cela continue ainsi, je ne vois pas pourquoi il ne prendrait pas fantaisie à Frédérik-Lemaître de réclamer un emploi de premier ténor, par cette seule raison qu’il a créé le rôle du marquis de Brunoy. Tous les élémens de ses succès et de sa fortune, l’Opéra Comique les possède ; qu’a-t-il besoin de se mettre en quête ? Pour remplacer Mme Pradher, il a Mme Damoreau ; vraiment il est bien à plaindre. Il y a là cinq ou six sujets qui, réunis, formeraient un ensemble excellent : Inchindi, Chollet, Mlle Prévost, Mme Casimir ; ce sont là, certes, des talens distingués, et dont on pourrait se servir autrement qu’on ne le fait. Mais voyez quelle imprudence, ces acteurs, au lieu de les réunir, on les disperse ; quand Mme Damoreau chante, M. Chollet se promène ; quand M. Chollet revient, Mme Damoreau voyage. Procéder de la sorte, c’est folie. Aujourd’hui le nom d’un comédien, bien qu’écrit sur l’affiche en lettres gigantesques, n’émeut plus guère le public. Ce qu’avant tout on recherche au théâtre, c’est un ensemble harmonieux. Rubini lui-même, cette merveille, ne suffit pas pour remplir la salle des Italiens il en est de même de Tamburini, de Lablache et de la Grisi ; ils sentent bien que chacun d’eux pris à part, et seul, n’a que la quatrième partie de cette force qui attire la foule, et la pousse à l’enthousiasme ; et qu’il ne pourrait y avoir de belles soirées, s’ils ne se réunissaient tous ensemble. Or, ce que Rubini, Lablache, Tamburini et la Grisi font tous les jours de si bon cœur, dans l’intérêt de l’art et de leur administration, Mme  Damo-