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LA BELGIQUE.

sociale et religieuse, on a pu se demander si la nationalité belge, assise sur le piédestal de soixante-dix protocoles, n’était pas aussi l’une de ces œuvres sans lendemain, entreprises pour échapper à des complications menaçantes.

La solution d’un pareil problème gît bien moins dans le présent que dans le passé et dans l’avenir. Pour qui n’étudie ce pays que sous sa physionomie du jour, que par l’aspect sous lequel il est donné à l’étranger de l’entrevoir ; pour qui n’observe la Belgique que dans ses journaux et sa tribune, échos affaiblis des nôtres ; dans ses théâtres, où trône M. Scribe ; dans les salons de Bruxelles, parés des contrefaçons de nos modes parisiennes, comme ses cabinets de lecture sont remplis de nos contrefaçons littéraires, il est facile de prononcer que la nationalité belge n’existe que dans les estaminets ; que ce peuple, qui a reçu durant vingt ans l’indélébile empreinte de la grande nation, ne peut manquer de lui revenir avec l’occasion et du courage. Mais, pour peu qu’on se prenne à méditer sur les longs siècles écoulés dans la persévérante poursuite d’une indépendance que l’état de l’Europe rendit impossible jusqu’à nous, et sur les sanglantes réserves par lesquelles la Belgique, à chaque domination étrangère, rappela ses droits méconnus et violés ; et qu’en étudiant les mœurs et les institutions de ce pays, on apprécie la portée de certains principes, le résultat de certaines influences ; si l’on pénètre au-delà de cette enveloppe, sorte de reliure par où toutes les nations se ressemblent comme tous les livres, alors on sent que ce peuple pourrait se créer un avenir ; que son sort dépend plus de l’habileté des hommes politiques que de l’inexorable fatalité des évènemens. Enfin, en examinant de plus près cette surface terne et plane, une sorte d’intérêt sympathique s’éveille, et la question devient aussi importante au point de vue moral, que sous le rapport politique.

La Belgique est une médaille fruste dont la légende est effacée sous le vert antique qui la recouvre. Nous lirons cette légende dans l’histoire ; nous chercherons le mot d’une révolution récente, si complexe en apparence et pourtant si simple dans son principe ; nous nous demanderons sous quelles conditions le nouvel état créé par l’assentiment de l’Europe peut aspirer à une vie propre et à une action politique. Je traduirai mes impressions, j’exposerai mes doutes, car j’en conserve beaucoup, peut-être parce que j’ai étudié le sujet sous beaucoup de faces, et que je songe moins à résoudre le problème qu’à le bien poser. Je citerai peu de noms propres ; je ne me prévaudrai d’aucunes confidences ; elles resteront un souvenir précieux pour mon cœur, et je tâcherai qu’elles ne m’inspirent de partialité pour personne.

En vain la nature prodigua-t-elle ses plus heureux dons à ces provinces,