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LA BELGIQUE.

semblait naturel d’attendre au moment où il faudrait rétablir une ligne de douanes depuis si long-temps écartée sur les frontières du Luxembourg, du Hainaut et des Flandres. Quoique les habitudes prises et de nombreux intérêts particuliers dussent en souffrir, le sentiment populaire ratifia dans ces provinces la séparation prononcée par la diète européenne.

La Belgique n’avait ni droits acquis à invoquer devant les peuples, ni dynastie à faire comparaître au congrès des rois ; sa faiblesse lui eût interdit, d’ailleurs, de remplir à elle seule la mission qui préoccupait alors les hommes politiques. On comprenait enfin la nécessité de rectifier, au xixe siècle, ce qui avait été faussé dans la constitution de l’Europe depuis Marie de Bourgogne et Maximilien ; et tous les publicistes, à partir des écrivains officiels des chancelleries jusqu’aux organes du libéralisme français, donnaient leur adhésion à un arrangement conservateur de l’équilibre du monde, et l’érection d’un royaume des Pays-Bas[1].

La réunion de la Belgique à la Hollande se présentait, en 1814, avec tous les caractères d’une combinaison durable. Il est facile de prophétiser après coup et de combattre, parce qu’elles ont rencontré des obstacles imprévus, des transactions alors généralement approuvées. Disons-le donc : si les hommes doués de sens politique attaquaient, comme n’offrant pas de garanties d’avenir, les arrangemens relatifs à la Pologne, à la Saxe, à l’organisation intérieure de l’Allemagne, tous envisagèrent la création de cette nouvelle monarchie comme la pensée vraiment féconde du congrès.

On peut regretter peut-être que cette assemblée, qui avait senti la nécessité de conférer aussi à la maison de Nassau la souveraineté du grand duché de Luxembourg, n’eût pas complété sa mission en portant le nouveau royaume de Bourgogne, par l’adjonction des provinces rhénanes alors disponibles, jusqu’aux bords du Rhin et de la Moselle, ses limites naturelles et peut-être nécessaires ; on dut considérer également comme une difficulté grave pour ce gouvernement la différence des religions et des idiomes : mais, après tout, se disait-on, ce n’était pas la première fois qu’un état puissant se formait malgré ces dissidences ; d’ailleurs, entre ces peuples d’origine commune, la séparation était récente, et les intérêts les plus intimes auraient bientôt renoué la chaîne des temps ; la Belgique agricole et manufacturière allait trouver dans les colonies de la Hollande un débouché pour ses produits qui suppléerait aux marchés de France ;

  1. « L’acte le plus important que la politique ait encore conçu et exécuté pour le bien général de l’Europe, est certainement la réunion de la Belgique et de la Hollande. Toutes les convenances nationales appellent les Belges et les Hollandais à s’unir. »

    (M. de Fradt. Congrès de Vienne, chap. viii.)