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LA BELGIQUE.

documens belges ne sont pas exacts[1], concessions sans importance en face de faits accomplis. Qu’importe, par exemple, qu’il y ait de l’exagération dans la proportion d’un à sept huitièmes environ, établie par les Belges, comme mesure de l’inégale distribution des fonctions publiques entre les sujets des deux parties du royaume ? La très grande majorité des principaux emplois civils, militaires et diplomatiques étaient occupés par les Hollandais, on en tombe d’accord ; on confesse également que peu de Belges traversèrent le ministère, et on n’hésite pas à en donner pour motif une plus grande aptitude politique déjà reconnue par nous, mais que des Belges pouvaient être fort disposés à contester. Plusieurs exceptions pourraient être citées qui viendraient pour la plupart confirmer la règle. Il n’est pas, en effet, de doctrine tellement exclusive qu’elle ne soit disposée à faire des concessions de personnes, quand elles ont pour but d’augmenter sa force sans modifier aucune de ses tendances.

Le gouvernement du roi Guillaume fit beaucoup pour l’agriculture, il voulut faire beaucoup aussi pour l’industrie. Plusieurs canaux importans furent ouverts ; d’autres, tel que celui de la Sambre, destiné à vivifier les parties les plus incultes du Luxembourg, étaient, en 1830, en cours d’exécution ; un plus grand nombre étaient en projet. Ce fut dans les intérêts matériels que ce prince chercha sa force, il espéra vaincre le patriotisme belge par le cosmopolitisme industriel. Un ministre habile tenta aussi de nationaliser la restauration française par la bourse et par la banque, et de tourner la question politique en grandissant l’importance de la question financière. M. de Villèle tomba devant les électeurs, et le million-Merlin n’empêcha pas les progrès du parti unioniste. C’est que les intérêts matériels, très puissans auprès des individus, ne sont d’aucun poids auprès des peuples, tant que les intérêts moraux ne sont pas garantis. Or ceux-ci étaient menacés en Belgique, moins gravement peut-être qu’on n’affectait de le dire, mais d’une manière plus sérieuse que le pouvoir ne consentait à l’avouer.

Il était difficile d’admettre, avec les bons curés des Flandres, qu’il existât chez le roi Guillaume un plan bien arrêté de convertir au protestantisme la terre la plus catholique de l’univers ; mais il était impossible de ne pas voir, dans les actes du gouvernement hollandais, l’intention d’abaisser un clergé aussi national que celui d’Irlande et de Bretagne, de lui enlever graduellement sa vie populaire. Un acte plus grave que les tracasseries des premières années, la création du collége philosophique, vint, d’ailleurs, permettre tous les soupçons, autoriser les alarmes de toutes les consciences[2]. En vain les apologistes du gouvernement hollandais

  1. M. Le baron de Keversberg. Pièces justificatives ; tom. iii.
  2. Arrêté du 14 juin 1825. Un autre arrêté du même jour prescrivait la clôture