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ÉCRIVAINS CRITIQUES ET MORALISTES FRANÇAIS.

cation, il faudrait avoir autorité, expérience, et s’être formé ses propres idées sur le sujet. « Le moment des réformes politiques est celui des plans d’éducation, » a dit une femme spirituelle et généreuse, Mme de Rémusat, qui elle-même a payé sa dette utile avec charme. Depuis Émile, en effet, les plans d’éducation n’ont pas manqué ; ils ont redoublé dans ces derniers temps, ou du moins les plaintes contre l’éducation et la situation particulièrement des femmes, se sont renouvelées avec une vivacité bruyante. Du milieu de tant de déclamations vaines, où figurent pourtant çà et là quelques difficultés considérables et des griefs réels, le livre de Mme Guizot, qui embrasse l’éducation tout entière, celle de l’homme comme celle de la femme, offre une sorte de transaction probe et mâle entre les idées anciennes et le progrès nouveau. Ce que j’appelle transaction n’était à ses yeux que la vérité même dans son ménagement humain nécessaire, mais sur sa base inébranlable. Les lettres xii et xiii, d’une grande beauté philosophique, démontrent les principes de conscience et de raison sur lesquels elle fonde le devoir, et expliquent comment tout son soin est de faire apparaître et se dessiner par degrés la règle à la raison de l’enfant, pour qu’il y dirige librement de bonne heure, et dans les proportions de son existence, sa jeune volonté. — Faire régner, de bonne heure autour de ces jeunes esprits une atmosphère morale, où ils se dirigent par le goût du bien, les faire gens de bien le plus tôt possible, c’est là son but, son effort, et, à moins de préjugés très contraires, on lui accorde, en l’entendant, qu’elle a et qu’elle indique les vrais moyens de réussir. Il est certain du moins que, dans la plupart des cas, quand l’enfant est bien né, comme on dit, quand il ne recèle pas en lui de faculté trop excentrique ou de passion trop obstinée qui déjoue, le bon résultat doit s’obtenir d’après les soins qu’elle fait prendre. Au reste, la raison de Mme Guizot, qui a pied dans le fait même, admet, pressent les cas d’insuffisance et en avertit : « Je le vois plus clairement chaque jour, dit Mme d’Attilly, la jeunesse est de tous les âges de la vie celui que l’enfance nous révèle le moins ; une influence indépendante du caractère la domine avec un empire contre lequel on peut d’avance lui donner des forces, mais sans prévoir de quelle manière elle aura à s’en servir. » Mme Guizot relève en un endroit une assertion de mistriss Hannah More sur la nature déjà corrompue des enfans, et elle la combat. En ce point, notez-le, Mme Guizot est