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jusque et compris le 20 mars, n’avons-nous pas vu de gouvernemens successifs écrasés sous le poids d’une force gigantesque, assemblage monstrueux de tous les droits qu’ils avaient enlevés à la nation ! En Amérique, la proposition d’une loi semblable, portée en 1805 à la chambre des représentans, y fut unanimement repoussée. Le peu de succès des moyens de rigueur n’engagera-t-il jamais le gouvernement à user de ceux de l’indulgence ? » Quinze ans plus tard, M. de Broglie, ministre, écoutait avec colère de semblables discours prononcés contre lui, l’un des auteurs des lois de septembre, par des membres de l’opposition, qui, dans quinze ans peut-être, auront essuyé à leur tour de semblables reproches. Quid sit futurum cras, fuge quærere ! dit l’homme qui a tout éprouvé et tout prévu, le philosophe Horace.

Plus tard M. de Broglie disait, à propos d’une loi sur la contrainte par corps : « La détention perpétuelle, et même la détention prolongée au-delà d’un terme modéré, est une offense gratuite à l’humanité. » Après l’attentat de Louvel, M. le duc de Broglie s’éleva et vota contre la loi de la presse, que le ministère voulait faire passer à la faveur de ce crime, et il attaqua violemment ceux qui attribuaient à l’influence des journaux le déplorable évènement qui avait consterné la France. « Les principes dangereux sont-ils donc autorisés par la loi, disait M. de Broglie ? Ne prononce-t-elle pas, au contraire, des peines graves contre l’écrivain qui, en les propageant, chercherait à ébranler les bases de la société ? C’est donc à l’inexécution des lois, non à leur impuissance, qu’il faut attribuer le désordre dont on se plaint. » Pensées fort justes qui ont retenti souvent, mais en vain, aux oreilles de M. le duc de Broglie, dans la discussion des lois de septembre.

Dans une autre circonstance, après les émeutes du mois de juin 1820, M. de Broglie disait encore ces paroles-ci : « Je me sens blessé de l’indifférence hautaine avec laquelle le gouvernement a constamment accueilli ces scènes de douleur… Je me plains de n’avoir pas entendu s’échapper un regret, pas une parole sensible, pas un accent de douleur constitutionnelle, à la vue de la capitale en proie aux soldats. » Cette douleur constitutionnelle, M. de Broglie l’a éprouvée sans doute, quand il a vu, non pas seulement la capitale, mais les deux principales villes du royaume, ravagées, ensanglantée, et aux prises avec les soldats, qui marchaient par ordre du cabinet