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La même remarque doit s’appliquer à leurs œuvres d’art et de littérature. Il ne faut y chercher ni la hardiesse de la pensée, ni l’originalité. Ce sont des œuvres étudiées et laborieuses. La poésie de la Hollande accuse toujours le travail et l’érudition, et ses plus grands peintres sont avant tout des hommes de patience, mais d’une patience qui, parfois, produit de merveilleux effets. Plusieurs causes contribuent d’ailleurs à enlever à la Hollande le caractère de nationalité qu’elle pourrait avoir en poésie, et à lui inculquer l’esprit d’imitation. Par l’étroit espace qu’elle occupe, elle ne peut guère aspirer à se maintenir dans une sphère indépendante, à posséder l’ascendant qu’obtient naturellement un grand état. Par sa langue, elle tient à la vieille Germanie et à l’Angleterre. Par sa position géographique, elle touche d’un côté à la France, de l’autre à l’Allemagne, et subit tour à tour l’influence des deux pays. Quelquefois même tous deux agissent sur elle simultanément, et sa littérature devient une sorte de transaction entre le romantisme allemand et l’esprit français.

Cette littérature commence par des œuvres d’imitation et des traductions. Le premier poète de la Hollande, Jacques de Maerlant, savait sept langues. Il traduisit l’Historia scolastica de P. Commestor, le Speculum historiale de Vincent de Beauvais, et différens autres livres. C’était au xiiie siècle. La poésie, qui s’était tenue long-temps l’aile penchée, la tête assoupie, soupirant quelques hymnes à l’ombre des vieux cloîtres, se réveille tout à coup avec des chants de guerre et des chants d’amour. Jeune, belle, pleine de foi et de candeur, elle tient à la main une lyre d’or que nul vent impur n’a encore profanée. Les graves pensées du cœur, le sentiment de l’héroïsme, ébranlent seuls ses cordes vierges, et quand elles résonnent, leur chant harmonieux passe du midi au nord ; les orangers de la Provence l’écoutent sous leurs verts ombrages, et les chênes de la Germanie le murmurent au pays de Souabe. C’est une merveilleuse époque celle où la science des temps modernes apparaît ainsi avec son auréole, où sous le ciel du midi on voit éclore cette fleur de poésie dont une brise bienfaisante transporte au loin les étamines. Alors viennent toutes ces riantes fictions qui nous charment encore aujourd’hui. Alors l’air, les bois, les fleuves, les sinuosités de la prairie, les grottes des montagnes, les tours des châteaux se peuplent d’une foule de génies gracieux, qui par mille anneaux magiques, par mille chaînes de fleurs, rejoignent le nord à l’orient. Le monde est jeune : il s’abreuve à une source continuelle d’illusions. Il rêve, il croit, il chante. Les sylphes étendent sur lui leurs ailes diaprées, et les fées le guident dans ses premiers pas. Bientôt chaque abbaye a sa légende, chaque château sa chronique, et à quelques intervalles de temps, chaque pays son héros et son poète pour le chanter. Ainsi tandis que l’Espagne célèbre la gloire de Cid, la Bretagne chante son roi Arthur, et la France son Charlemagne. Tandis que vers