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POÉSIE POPULAIRE DE LA HOLLANDE.

le nord, Walther de Vogelweide idéalise les graces de la femme et les joies de l’amour, voici venir Pétrarque, qui près des rochers de Vaucluse, achève, comme l’a dit un autre poète, ses crystallins sonnets. Les traditions anciennes revivent, et de nouveaux cycles se forment avec de nouveaux poèmes. Un homme dont on ignore encore le nom, dote l’Allemagne des Niebelungen. Un autre écrit l’histoire mystique de Parcival ; un autre celle de Tristan, et au-dessus de tout plane le génie de Dante avec sa Divina Commedia.

La Hollande s’associa à ce grand mouvement poétique ; elle eut sa part de tous ces poèmes de chevalerie, de toutes ces fictions. Elle eut son roman de Lancelot, de Titurel, de Flor et Blanchefor, des Quatre Fils Aymond et son poème du Renard Si elle ne produisit elle-même aucune œuvre originale, elle n’en doit pas moins citer, avec un sentiment de reconnaissance, les hommes qui l’illustraient par leurs écrits à cette époque. Tandis que Jacques de Maerlant traduisait en style correct les ouvrages latins, Melis Stocke écrivait ses Chroniques rimées ; Claës Verbrechten reproduisait en néerlandais les poèmes étrangers, et Jean de Nélu célébrait les exploits de Jean Ier, duc de Brabant, qui lui-même a laissé une œuvre de poésie. C’est de cette époque que datent, à proprement parler, pour la Hollande, les premières règles de la versification, les premiers progrès de la langue. Une fois entrée dans cette voie, tout semblait lui présager une suite continue d’œuvres de mérite. Mais le xive siècle vint démentir ces espérances. Ce fut un temps de discordes civiles et de calamités. La longue lutte des Hoekschen et des Kabbeljauwschen[1] divisa le pays et le remplit de troubles et d’agitations. Le commerce, qui, dans le siècle dernier, avait commencé à prendre un essor imposant, tomba dans un état de décadence. Les lois et les institutions restèrent stationnaires ou prirent une marche rétrograde, et la poésie fut comme paralysée par ce bouleversement de l’ordre social. Quelques chroniques d’abbayes, quelques biographies de princes et d’évêques, voilà tout ce que la Hollande peut citer pendant un long espace de temps. Le xve siècle se passa à peu près de même. La science, il est vrai, fit un pas, l’érudition jeta quelques racines dans le pays, la philologie s’ouvrit de nouveaux points de vue, et l’université de Louvain se distingua par plusieurs travaux ; mais la littérature resta dans les mêmes voies obscures. Au commencement de ce siècle, il se forma cependant plusieurs sociétés qui semblaient devoir aider au développement de la langue et de la poésie hollandaise, mais qui, en réalité, lui nuisirent. Nous voulons parler de ces chambres de rhétoriciens (Kamers der Rederijkers), qui présentent

  1. Hoekschen, hameçon, kabeljauwschen, morue.