Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/499

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
495
POÉSIE POPULAIRE DE LA HOLLANDE.

époque, et le caractère particulier de chaque évènement. Elle a l’ame religieuse et l’enthousiasme guerrier. Elle porte tour à tour la couronne de fleurs et l’armure, et sa main peut faire vibrer les cordes de la mandoline sous les fenêtres de la jeune fille, et soutenir le poids de l’arquebuse sur le champ de bataille. S’il se présente une histoire romanesque, elle s’en empare ; si une action glorieuse, elle la chante ; si un héros, elle le divinise. Interprète sincère du peuple, elle suit le peuple partout, dans ses luttes et dans ses souffrances, dans ses heures de joie et ses jours de triomphe. C’est elle qui accueille avec des acclamations le principe de liberté religieuse formulé par Luther. C’est elle qui anathématise le duc d’Albe. C’est elle qui pleure sur la mort d’Egmont et du comte de Horn.

Les chants populaires de la Hollande sont en grand nombre. On en trouve une partie dans les recueils connus sous le nom des Blauwboekjes (Livres bleus), et dans quelques autres ouvrages. Mais il en existe une plus grande quantité encore en manuscrits, et chaque fois qu’on a fouillé dans les bibliothèques de La Haye, d’Amsterdam, et de quelques autres villes, on en a découvert de nouveaux. M. Le Jeune a publié sur cette poésie un livre intéressant ; mais il a eu le grand tort de mêler à des chants vraiment populaires plusieurs pièces qui n’ont jamais pu aspirer au même titre[1]. Le meilleur ouvrage qui existe sur ce sujet est celui de M. Hoffmann de Fallersleben, professeur à Breslau. M. de Fallersleben a étudié la poésie hollandaise en Hollande même. Il est entré en relation avec les savans du pays, il a pénétré dans les archives les plus secrètes des bibliothèques, et après un travail patient, sérieux, il a publié deux livres : l’un, en latin, présente les indications bibliographiques les plus essentielles sur les anciens poètes de la Hollande, l’autre est un recueil de chants populaires avec le texte hollandais et des annotations en allemand[2].

La poésie populaire de la Hollande remonte sans doute très haut, la plupart des faits qu’elle retrace ont une origine lointaine ; ils ont été racontés à l’instant même où ils se passaient, et plusieurs fois ensuite, mais les divers chants qui nous restent ne sont guère antérieurs au xve siècle. Cette poésie doit être divisée en deux parties : chants religieux et chants profanes. Les premiers sont curieux à étudier comme expression d’une époque de catholicisme abstrait et rêveur. Tout ce que les Tauler, les Suso, les Ruysbroeck et les autres mystiques des xive et xve siècles, se plurent à enseigner se trouve ici fidèlement reproduit. On voit que la doctrine du mysticisme s’était peu à peu insinuée parmi le peuple, et qu’il aimait à redire dans ses vers ce qu’il entendait prêcher dans ses

  1. Proeven van de nederlandsche volkszangen sedert de xve eeuw, par Le Jeune. La Haye, 1828.
  2. Horæ belgicæ. Pars prima. Breslau, 1830, Pars secunda. Breslau, 1833.