Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/510

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
506
REVUE DES DEUX MONDES.

bre a justement voulu réparer les fautes en votant le crédit de 100,000,000 ; il veut qu’on ajourne les travaux. « L’idée d’un ajournement a semblé d’autant plus naturelle à votre commission, dit M. Jaubert, qu’en tout état de cause, et quel que soit l’emploi qu’on fera de l’hôtel du quai d’Orsay, il y aura nécessité de revenir encore une fois devant la chambre pour la dépense du mobilier ; dès-lors vaut autant ajourner le tout. » Ajourner tout parce qu’il y a beaucoup à faire, est, on en conviendra, une singulière conception.

Il y avait donc deux questions dans cette affaire, la question de la tranquillité publique, et de l’emploi des travailleurs de tous genres ; sur cette question, M. Thiers pouvait répondre qu’il serait coupable s’il n’avait pas employé tout le crédit, et qu’il ne le serait pas encore s’il l’avait dépassé, dans le cas où les 100,000,000 se trouvant affectés à divers emplois, il eût aperçu autour de lui encore beaucoup de bras oisifs. Mais ceci appartient encore à la défense de M. Thiers, et nous ne voulons nous occuper que de la nôtre, nous tous dont M. Jaubert voudrait ajourner la vie, la gloire et les passions.

Il est vrai que M. Thiers se trouve cette fois avec nous, lui qui arrachait cette exclamation à M. Duvergier de Hauranne, rapporteur du budget de 1835 : « Il faut reconnaître qu’à aucune époque de si grands travaux n’ont été poussés avec tant d’activité ; il faut reconnaître qu’en terminant des monumens les uns si beaux, les autres si utiles, on aura eu l’honneur de mettre fin à un état de choses qui était une honte pour le pays. » Quatre membres de la commission Jaubert se trouvaient dans la commission au nom de laquelle M. Duvergier de Hauranne a fait le rapport d’où nous venons d’extraire ce passage, et qu’on dirait être une réfutation anticipée du rapport de M. Jaubert, réfutation si complète, que M. Thiers pourrait se contenter de la lire à la tribune, en réponse à M. Jaubert. Un curieux dialogue s’établirait entre les deux auteurs de ces rapports.

M. Duvergier de Hauranne, loin de vouloir ajourner ou écarter les dépenses relatives aux beaux-arts, déclarait qu’à aucune époque et dans aucun pays, l’art n’a prospéré sans le secours, soit de l’état, soit d’une riche aristocratie ; et, ajoutait-il, il est inutile de dire qu’à cet égard la France n’a pas le choix. « Quand donc l’état commande des statues et des tableaux, reprenait le rapporteur, l’état ne fait qu’accomplir la mission qui lui est imposée par la force des choses et par les conditions nouvelles de la société française. » Ces vues, et d’autres de ce genre, n’étaient que le préambule des éloges accordés à l’administration par M. Duvergier, le péristyle du temple qu’il élevait à M. Thiers, sans lésiner sur les frais, comme fait aujourd’hui M. Jaubert.

Après avoir admiré l’arc de l’Étoile et approuvé les travaux qui s’y faisaient, le rapporteur s’arrêtait (en 1835) devant la Madeleine, et l’admirait sans restrictions. « L’extérieur est tel qu’on peut le désirer ; mais malgré l’emploi judicieux que le ministre a fait de son crédit des beaux-arts, en le consacrant, au lieu de l’éparpiller, à de grands et beaux ouvrages, pour les monumens qui s’achèvent, et particulièrement pour l’église de la Madeleine, l’intérieur de cette église, à moins d’un nouveau crédit