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nation, ni la crainte de diminuer l’élan qu’il faut au pays pour combattre don Carlos, élan qui aurait déjà grand besoin d’être secondé, ni la menace d’un refus d’impôt, qui lui avait été faite par la chambre, et qui s’est renouvelée depuis la dissolution, ni l’incertitude où il est au sujet des dispositions du général Mina. Une telle décision et une telle fermeté semblent annoncer un homme sincèrement attaché aux opinions qu’il professe, et il y a lieu de croire qu’un examen de la situation générale de l’Europe a prouvé aux ministres actuels de l’Espagne qu’on ne peut fonder un pouvoir durable qu’en marchant peu à peu vers une complète émancipation. Sans doute ils essaieront de mettre l’Espagne au pas modéré de la France et de l’Angleterre, dont l’esprit leur est si nécessaire, et tout en tendant à accomplir entièrement la révolution espagnole qui est le rêve de leur vie, ils éviteront les formes révolutionnaires et extra-légales de M. Mendizabal, dont la pensée, nous le croyons, n’était pas d’aller aussi loin qu’eux. C’est là, ce nous semble, la clé de quelques contradictions que présentent les actes et les opinions des deux ministères espagnols, et l’explication des éloges et des attaques dont ils ont été l’objet en des camps politiques, où ils devaient s’attendre à trouver d’autres sentimens que ceux qui leur ont été témoignés.

L’occupation de Cracovie est encore un de ces évènemens militaires de la paix, qui ont lieu l’arme au bras, et se terminent la plume à la main. D’abord, cette occupation était contraire aux traités de Vienne. Puis, la manière dont elle s’était exécutée semblait annoncer de grandes rigueurs. En cet état de choses, la France et l’Angleterre, ou l’Angleterre et la France, avaient de grands devoirs à remplir. Il fallait encore cette fois réclamer l’exécution des traités de Vienne, et protester contre un acte qui les enfreignait. Mais les traités de Vienne, disait-on, sont comme tous les traités du monde ; ils ont un côté par lequel ils ne sont pas tout-à-fait inviolables, et cela pour la France, comme pour l’Autriche, comme pour la Russie, c’est quand ils se trouvent en opposition avec le plus ancien de tous les traités, celui qui est antérieur même à la diplomatie, et qu’on nomme le droit commun. Avec ce vieux traité, ajoutait-on, tout autorise à vous défendre au besoin, et à pourvoir d’urgence à votre sûreté personnelle, que vous soyez un homme, ou que vous soyez une nation. C’est de là qu’on arguait pour motiver l’occupation d’un territoire où s’étaient réfugiés les débris de l’insurrection polonaise. M. de Broglie et lord Palmerston avaient sans doute trouvé de bonnes raisons à opposer à ces objections de la diplomatie étrangère ; mais ces raisons n’avaient produit aucun résultat jusqu’à ce jour. Les négociations ayant continué depuis la retraite de M. de Broglie, il paraît que l’évacuation de Cracovie ne tardera pas à être complète. Il ne reste déjà plus que deux cents hommes qui suivront prochainement le reste des troupes d’occupation, si lord Palmerston consent à mettre un peu de liant dans cette affaire.

Tandis que la France et l’Angleterre réclamaient des puissances du nord l’exécution du traité de Vienne, l’Autriche réclamait de la Russie l’observation des clauses de ce traité, relatives à la liberté de la navigation sur les grands fleuves d’Europe. L’entrepôt allemand de Galatz, situé entre