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LES RÉPUBLIQUES MEXICAINES.

l’anathème fulminé contre la race étrangère n’a pas eu son plein effet. Quoi qu’il en soit de cette préférence des dames mexicaines, c’est une bien faible compensation pour les vexations et les dangers réels auxquels sont exposés les étrangers qui habitent le pays. La haine des Mexicains est telle qu’on est fondé à redouter un jour chez eux des vêpres siciliennes. Quelques catastrophes récentes prouvent que ces craintes ne sont pas chimériques. En 1833, une famille française, établie dans une ferme auprès de Puebla, fut massacrée tout entière, sans qu’elle eût donné aux habitans le moindre sujet de plainte, le moindre motif de vengeance. Ce fut un moine qui ameuta deux ou trois cents lépreux, les conduisit à la ferme de ces malheureux Français, qui furent impitoyablement poignardés au nombre de neuf. La maîtresse de la maison surtout fut traitée avec une barbarie digne de cannibales. Percée de coups et respirant encore, elle fut attachée à la queue d’un cheval et traînée au galop ; son cadavre fut insulté et souillé par les assassins. On égorgea jusqu’aux domestiques de la maison, qui étaient Mexicains, les punissant ainsi d’avoir servi des juifs. À la même époque à peu près, un Anglais, qu’on avait injustement emprisonné, fut égorgé dans sa prison par un colonel mexicain, et ce crime resta impuni. Tout récemment, aux environs d’Acapulco, un officier souleva les habitans du pays contre les étrangers, et en massacra cinq, aussi impunément. Mais c’est surtout à la prise de Zacatécas, par Santa-Anna, que la fureur des Mexicains se montra dans toute sa lâcheté. L’exploitation des mines avait attiré à Zacatécas un grand nombre d’Européens. Les nobles soldats de l’illustre général entrèrent dans la ville et se répandirent partout en criant : Mort aux étrangers ! Un Américain fut tué dans sa maison, et toutes les personnes qui s’y trouvaient blessées et plus ou moins maltraitées ; une jeune Française, qui tomba au milieu de cette bande d’assassins, fut meurtrie de coups de crosse, dépouillée de ses vêtemens, et traînée dans les rues par les cheveux. « Ouvrons-lui le ventre, disaient les forcenés, nous y trouverons un petit juif que nous jetterons aux chiens. » Un Italien fut blessé et sa maison pillée ; quatre Anglais furent également blessés, ainsi que plusieurs dames anglaises. Et tous ces excès demeurèrent impunis ! pas un soldat ne fut châtié ! Et comment l’eussent-ils été, quand les chefs eux-mêmes donnaient