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tableau, qui montre l’extérieur d’une taverne de Grenade un jour de course. Et ne blâmez pas le choix de ce troisième sujet, si analogue aux autres. L’art peut puiser sans crainte à toute source où bouillonne une forte passion populaire ; l’onde fécondante y est inépuisable. Ici rien qui ne soit irréprochable et excellent. Le désordre est l’action ; la confusion, le mouvement. La foule acclame et bat des mains aux toreros qui passent. Pour elle, le spectacle a commencé déjà. Deux picadors à cheval vident le dernier verre de mansanilla, le coup de l’étrier. Ils s’étourdissent, ils boivent l’oubli du danger. Un matador, plus raffiné, s’enivre de pure galanterie. Il part, deux adorables majas aux bras ; l’une, sa maîtresse, vivra ce soir, s’il est vivant. À la porte du cabaret s’est arrêté un calesin, qu’emplit largement la rotondité d’un dominicain. Le bon père vient confesser les mourans. On lui apporte en bouteille le courage dont aura besoin son pieux ministère. Cependant un frère quêteur va fort activement de groupe en groupe ; l’habile homme n’ignore pas que l’émotion et la joie font la charité plus abondante. Enfin, partout c’est l’originalité des scènes, la naïve barbarie des mœurs, la rudesse des contrastes, épiées âprement et prises sur le fait ; c’est toute cette neuve poésie du terroir ramassée à pleines mains et mise ardemment en œuvre. Une page semblable en conte plus à elle seule de l’Andalousie, que tous les milliers de voyages accumulés depuis vingt ans par les touristes.

Un ouvrage de M. Cattermole commande une double attention, et par son importance et par la juste célébrité de l’artiste. Autant M. Copley-Fielding est en avant des paysagistes de Pall-Mall, autant M. Cattermole précède les peintres du style gothique. Examiner l’œuvre de ce dernier, c’est choisir le meilleur échantillon pour juger le moyen-âge de l’exhibition.

M. Cattermole avait exposé, l’an passé, une cellule d’abbé, selon nous admirée fort au-delà de ses mérites. Certes, c’était une brillante fantaisie. Toutes les richesses y ruisselaient dans les flots d’un éblouissant coloris. Mais ce n’était pas là vraiment qu’il fallait vider la corne d’abondance. Ce n’était pas là le lieu de tant de guirlandes, de tant de fruits, de fleurs, et de cassolettes. Le luxe des moines n’a jamais été si délicat. Bref, à notre avis, l’artiste avait peint un rêve, non point restitué une scène des vieux temps. Il n’avait point paré la vérité ; il l’avait travestie et fardée.