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tous les jours, haletant, le suivait en tournant, comme une compagne fidèle, et qui, sans cesse fixant sur elle sa face argentée, semble épier ses mouvemens, comme le chien caressant qui joue autour du maître.
« Et un autre tableau se déroula devant moi.
« Je voyais dans les mers, au sein des abîmes et sur les flots, des objets prodigieux.
« J’apercevais des régions inconnues, je distinguais une terre promise, gage de la nouvelle alliance de Dieu avec les hommes.
« Les vieux continens tressaillaient comme tressaille une famille à la venue d’un nouveau-né.
« D’innombrables îles, jusque-là silencieuses, s’agitaient, et comme si elles n’eussent pas achevé leur crue, s’assemblaient, s’élevaient au-dessus des eaux.
« L’homme étendait son domaine ; il conquérait les airs et s’y promenait en triomphateur ; il gouvernait les marées comme l’éclusier gouverne son canal ; il tempérait les climats comme le chauffeur tempère son brasier ; il domptait la foudre comme jadis un de nos pères dompta le fougueux étalon.
« L’humanité de ses mains parait le monde comme un époux sa tendre épouse après une longue absence, et elle, fière de ses caresses, écartait de lui les bêtes farouches et les animaux venimeux ; elle éteignait les feux des volcans, égalisait les climats, rappelait les fleuves débordés, modérait les ouragans et étalait de nouveaux empires.
« Gloire à toi. Dieu bon ! gloire à toi, Seigneur Dieu ! qui as donné de si douces destinées à l’homme et au monde ! gloire à celui qui est ton prédestiné et qui est notre père ! gloire à l’homme dont la vie inépuisable se répand par rivières, hors de son sein sur le monde, et lui revient du monde, large et calme, comme le flot de l’Océan paisible ! Gloire à celui qui vit dans le monde, en qui le monde vit et qui l’appelle la moitié de lui-même.
« Gloire à lui, car les battemens de son cœur lui montrent ce que veut l’humanité, ce que veut le monde.
« Il a senti que l’homme attendait une épouse nouvelle et il a dit la parole qui la prépare à une nouvelle union.
« Il sent que le monde veut renouer son lien avec l’humanité au moment où l’homme renouvellera le sien avec la femme ; et il avertit l’humanité des noces nouvelles que le monde lui prépare.
« Un jour vient, où le Dieu du progrès, le Dieu calme, le Dieu bon, qui avait donné la terre pour épouse à l’homme et qui voyait l’époux passer en seigneur et maître sur l’épouse, et l’épouse impudique s’abrutir vilement aux pieds de son grossier époux, a envoyé son fils, le Christ,