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LETTRES SUR L’ISLANDE.

qu’on pourrait se l’imaginer d’après les relations de plusieurs voyageurs. On passe encore par certains degrés de civilisation avant d’en venir à l’aspect réel du pays. Les ornemens de luxe dont les marchands danois aiment à s’entourer, cachent comme un rideau la nudité des demeures islandaises, et les maisons bâties en bois nous préparent graduellement à voir la cabane sauvage qui s’élève à quelques pieds de terre, avec ses murailles de tourbe et son toit de gazon. Mais ce dont nulle civilisation étrangère ne peut faire grâce au voyageur qui arrive ici pour la première fois, c’est l’odeur nauséabonde qui le saisit au moment où il pose le pied sur le sol de l’Islande. Cette odeur le poursuit partout et s’attache à tous les objets dont il se sert ; c’est le résultat de cette quantité de poisson que les Islandais font sécher en plein air, le résultat de la malpropreté au milieu de laquelle vivent ces malheureux, et des matières souvent corrompues dont ils se nourrissent.

L’histoire de Reykiavik ne remonte pas très haut. Il y a soixante ans, ce n’était guère qu’un village de pêcheurs. Mais sa situation est bonne ; sa rade, protégée par plusieurs petites îles, passe pour l’une des rades les plus commodes et les plus sûres qui existent, et non loin de là se trouvent des bancs de pêche justement renommés. Peu à peu les négocians danois y établirent leurs factoreries, et la ville acquit chaque année plus d’importance. Aujourd’hui c’est la résidence du gouverneur, de l’évêque, du médecin général du pays, du président du tribunal. On y trouve une bonne école et une bibliothèque de huit mille volumes. À une lieue de là est l’école universitaire de Bessestad ; à peu près à la même distance, l’ancienne imprimerie de Hoolum, transportée à Vidoë. Je ne fais qu’indiquer ceci en passant, j’y reviendrai une autre fois spécialement.

Notre première visite en arrivant ici était due au gouverneur, M. de Krieger, et nous ne saurions trop nous louer de l’accueil qu’il nous fit. Il a voyagé en France et en Italie, il parle français facilement, et il s’est fait notre guide et notre interprète avec une grace charmante.

Le lendemain nous allâmes voir avec lui l’évêque, qui habite une jolie maison au bord de la mer. Autrefois il y avait deux évêchés en Islande, l’un à Hoolum, l’autre à Skalholt. Tous deux ont été réunis à Reykiavik en 1797. M. Steingrimr Jonsson, qui occupe aujourd’hui le siége épiscopal, est un homme âgé, fort instruit, autrefois professeur de théologie à l’université de Bessestad, et qui a conservé dans ses nouvelles fonctions les goûts studieux qui l’animaient dans sa carrière de professeur. J’ai trouvé chez lui une belle bibliothèque d’ouvrages étrangers, une riche collection de sagas islandaises, d’éditions rares et de pièces manuscrites ayant rapport à l’histoire du pays.