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dévoués aux Bourbons, tels que MM. Sosthènes de La Rochefoucauld, de Vitrolles, accouraient joindre leurs instances de courtisans.

Ce fut à la suite de ces négociations si diverses que parut la déclaration de l’empereur Alexandre qui annonçait à la France qu’on ne traiterait plus avec Napoléon ; M. de Nesselrode tint la plume, et imprima à cet acte un remarquable esprit de modération. Cette déclaration fut tirée à un nombre immense d’exemplaires, au moyen d’une presse à la main, dans l’hôtel de M. de Talleyrand, rue Saint-Florentin ; ce fut un coup de parti pour la maison de Bourbon. On a dit que de riches présens déterminèrent la résolution de M. de Nesselrode. Il faut en général un peu se défier de tous ces bruits qui circulent après les grands événemens politiques ; il y a moins de corruption qu’on ne pense dans les affaires. Toutefois, il est probable qu’à la suite d’un acte aussi décisif, on dut garder quelque reconnaissance. Il est bien rare que, dans les transactions diplomatiques, il n’y ait pas toujours quelques dons secrets qui accompagnent la signature des stipulations ; c’est un usage ; ces présens furent proportionnés sans doute à la grandeur du service : c’est tout ce que l’impartialité historique peut dire à ce sujet.

Cette époque de 1814 fut brillante pour le comte de Nesselrode. L’influence modérée de la Russie avait dominé toutes les résolutions et adouci les conditions de la victoire. L’empereur Alexandre était salué comme un symbole de paix ; l’Autriche, l’Angleterre, étaient effacées ; on ne parlait que d’Alexandre, et sa popularité se refléta sur le comte de Nesselrode jusqu’à ce point de donner quelque jalousie à M. de Metternich, qui jamais ne fut plus oublié que dans les transactions de Paris en 1814. Le ministre autrichien allait prendre sa revanche au congrès de Vienne. La première occupation de Paris fut l’apogée de la toute-puissance morale de la Russie dans les affaires du midi de l’Europe.

Ici nous avons besoin de bien préciser tous les obstacles qui entouraient le rôle de M. de Nesselrode. Rien n’était plus mobile et plus impressionnable que l’esprit d’Alexandre : il passait de l’enthousiasme à un sentiment opposé avec une inconcevable rapidité ; il était presque impossible de le faire revenir de l’idée qu’il avait embrassée, et si on le suivait sur ce terrain, une autre idée