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SIX ANS.

moire, et par cette éclatante reconnaissance du passé, Napoléon a encore préparé l’enthousiasme de l’avenir.

Contrarier les sociétés est toujours funeste aux gouvernemens ; les abandonner à elles-mêmes n’est pas moins dangereux. On perd ainsi l’instinct des sentimens et des intérêts généraux ; on s’égare dans une société qu’on ne connaît plus, on spécule et on agit à faux, on est sans avertissement, sans lumière, et plus tard sans issue. Non-seulement, le silence des peuples est la leçon des rois, comme a dit l’évêque de Beauvais, ironiquement cité par Mirabeau dans les premiers jours de la Constituante, mais il leur est aussi un piége fatal ; il y a pour les gouvernemens, dans l’apathie des sociétés, sinon de la perfidie, du moins beaucoup de périls ; en politique, on n’a pas d’ennemi plus redoutable que l’inconnu : et le danger sera d’autant plus sérieux si le peuple dont vous administrez les affaires a l’imagination mobile, la conception vive, l’esprit net, l’ame ardente ; s’il juge avec une justesse rapide tous ceux qui montent à ses yeux sur la scène, et si par des conversions mystérieuses et subites il peut passer brusquement soit de l’indifférence à la colère, soit de l’affection à l’ironie, ou de la résignation à la volonté.


Lerminier.