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DANTE, PÉTRARQUE ET BOCCACE.

Les associés, au contraire, selon M. Rossetti, ont sans cesse murmuré entre les dents : « Le pape est l’antechrist ! » sans que jamais aucun écho se soit réveillé qui ait rendu leur doctrine populaire.

M. Rossetti a voulu prévenir une objection qui se présente naturellement. Les chefs de l’église, pendant tout ce temps, ne se sont-ils pas aperçus qu’on les insultait, et qu’on voulait détruire leur autorité ? Oh ! oui, dit-il, ils comprenaient fort bien, mais ils ont jugé plus prudent de ne pas paraître comprendre. Ainsi tout s’est passé en politesses : on a ri sous cape des deux côtés, et la nation seule a été dupe.

En effet, si l’association était telle que M. Rossetti la peint, les chefs de l’église auraient eu raison de la mépriser. Un seul homme de la trempe de Savonarola était plus redoutable que des milliers d’adversaires aussi puérils et aussi pusillanimes.

L’encouragement des superstitions profitables, le trafic des indulgences, les artifices pour enrichir l’église déjà beaucoup trop opulente, la corruption des mœurs du clergé, et principalement de la cour de Rome, l’ambition mondaine, le népotisme et la vie scandaleuse des papes eux-mêmes, enfin tout ce que les associés devaient abhorrer, tout cela pendant deux siècles, non-seulement allait son train ordinaire, mais empirait de plus en plus, sans que les initiés de la secte aient jamais osé paraître au grand jour, sans qu’ils aient fait la moindre tentative de rallier les peuples autour d’eux. Qui peut croire à une association nombreuse, couvrant l’Italie entière comme d’un réseau, comptant dans ses rangs les hommes les plus distingués par leurs talens, et qui néanmoins n’aurait donné aucun signe de vie, si ce n’est par de misérables quolibets ?

M. Rossetti attribue à cette association une grande influence sur la réforme du xve siècle. Mais comme il s’arrête en-deçà de cette époque, nous pouvons nous dispenser de le réfuter d’avance. Il est contraire aux règles de la logique de chercher une cause éloignée, obscure et plus que douteuse, quand les causes rapprochées, manifestes et puissantes, suffisent pour expliquer un évènement. La réforme de Luther a produit un grand retentissement en Europe. L’Italie n’a pu rester étrangère à cette secousse ; mais elle l’a éprouvée plus tard que d’autres pays voisins de l’Allemagne. D’ailleurs, a-t-on jamais ouï dire que les protestans italiens