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et son attachement avec M. de La Rochefoucauld, ce sont deux titres presque égaux de Mme de La Fayette à une renommée touchante et sérieuse ; ce sont deux endroits qui marquent la littérature et la société de Louis XIV.

J’aurais laissé pourtant le plaisir et la fantaisie de recomposer cette existence bien simple d’événemens aux lecteurs de Mme de Sévigné, si un petit document inédit, mais très intime, ne m’avait engagé à mettre la bordure pour l’encadrer.

Le père de Mme de La Fayette, maréchal-de-camp et gouverneur du Havre, avait du mérite et soigna fort l’éducation de sa fille. Sa mère était de Provence, et comptait quelque troubadour-lauréat parmi ses aïeux. Mlle Marie-Madeleine Pioche de La Vergne eut de bonne heure plus de lecture et d’étude que bien des personnes, même spirituelles, de la génération précédente, n’en avaient reçu. Mme de Choisy, par exemple, avait prodigieusement d’esprit naturel, en conversation ou par lettres, mais pas même d’orthographe. Mme de Sévigné, et Mme de La Fayette, plus jeune de cinq ou six ans que son amie, ajoutèrent donc à un fonds excellent une culture parfaite. On a pour témoignages directs de cette éducation les transports de Ménage, qui d’ordinaire, comme on sait, tombait amoureux de ses belles élèves. Il célébra, sous toutes les formes de vers latins, la beauté, les grâces, l’élégance du bien dire et du bien écrire de Mme de La Fayette ou de Mlle de La Vergne, Laverna, comme il disait. Plus tard, il lui présenta son ami le docte Huet, qui devint aussi pour elle un conseiller littéraire. Segrais, qui, avec Mme de Sévigné, suffit à faire connaître Mme de La Fayette, nous dit : « Trois mois après que Mme de La Fayette eut commencé d’apprendre le latin, elle en savait déjà plus que M. Ménage et que le père Rapin, ses maîtres. En la faisant expliquer, ils eurent dispute ensemble touchant l’explication d’un passage, et ni l’un ni l’autre ne voulait se rendre au sentiment de son compagnon : « Mme de La Fayette leur dit : « Vous n’y entendez rien ni l’un ni l’autre ; » en effet, elle leur dit la véritable explication de ce passage ; ils tombèrent d’accord qu’elle avait raison. C’était un poète qu’elle expliquait, car elle n’aimait pas la prose, et elle n’a pas lu Cicéron ; mais comme elle se plaisait fort à la poésie, elle lisait particulièrement Virgile et Horace ; et comme elle avait l’esprit poétique et qu’elle savait tout ce qui convenait à cet art,