Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/523

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
519
ROMANCIERS DE LA FRANCE.

alors en exil, s’y était retirée. Quand la jeune princesse fut devenue Madame et l’ornement le plus animé de la cour, Mme de La Fayette, bien que de dix ans son aînée, garda l’ancienne familiarité avec elle, eut toujours ses entrées particulières, et put passer pour sa favorite. Dans l’histoire charmante qu’elle a tracée des années brillantes de cette princesse, parlant d’elle-même à la troisième personne, elle se juge ainsi : « Mlle de La Trimouille et Mme de La Fayette étaient de ce nombre (du nombre des personnes qui voyaient souvent Madame). La première lui plaisait par sa bonté et par une certaine ingénuité à conter tout ce qu’elle avait dans le cœur, qui ressentait la simplicité des premiers siècles ; l’autre lui avait été agréable par son bonheur ; car, bien qu’on lui trouvât du mérite, c’était une sorte de mérite si sérieux en apparence, qu’il ne semblait pas qu’il dût plaire à une princesse aussi jeune que Madame. » À l’âge d’environ trente ans, Mme de La Fayette se trouvait donc au centre de cette politesse et de cette galanterie des plus florissantes années de Louis XIV ; elle était de toutes les parties de Madame à Fontainebleau ou à Saint-Cloud ; spectatrice plutôt qu’agissante ; n’ayant aucune part, comme elle nous dit, à sa confidence sur de certaines affaires, mais quand elles étaient passées et un peu ébruitées, les entendant de sa bouche, les écrivant pour lui complaire : « Vous écrivez bien, lui disait Madame, écrivez, je vous fournirai de bons mémoires. » — « C’était un ouvrage assez difficile, avoue Mme de La Fayette, que de tourner la vérité en de certains endroits d’une manière qui la fit connaître et qui ne fût pas néanmoins offensante ni désagréable à la princesse. » Un de ces endroits entre autres, qui aiguisaient toute la délicatesse de Mme de La Fayette et qui excitaient le badinage de Madame pour la peine que l’aimable écrivain s’y donnait, devait être, j’imagine, celui-ci : « Elle (Madame) se lia avec la comtesse de Soissons… et ne pensa plus qu’à plaire au roi comme belle-sœur ; je crois qu’elle lui plut d’une autre manière, je crois aussi qu’elle pensa qu’il ne lui plaisait que comme un beau-frère, quoiqu’il lui plût peut-être davantage ; mais enfin, comme ils étaient tous deux infiniment aimables, et tous deux nés avec des dispositions galantes, qu’ils se voyaient tous les jours au milieu des plaisirs et des divertissemens, il parut aux yeux de tout le monde qu’ils avaient l’un pour l’autre cet agrément qui précède