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du 8 octobre 1689, si parfaite, si impérieuse et si sans façon à force de tendresse, et qu’on lise ensuite le commentaire qu’en fait Mme de Sévigné écrivant à sa fille : « Mon Dieu ! la belle proposition de n’être plus chez moi, d’être dépendante, de n’avoir point d’équipage et de devoir mille écus ! » et l’on comprendra combien il ne faut pas tout redemander à ces amitiés qui ne sont point uniques et sans partage, puisque les plus délicates jugent ainsi. Après l’amour, après l’amitié absolue, sans arrière-pensée ni retour ailleurs, tout entière occupée et pénétrée, et la même que nous, il n’y a que la mort ou Dieu.

Mme de La Fayette vécut treize années encore : on peut s’enquérir chez Mme de Sévigné des légers détails de sa vie extérieure durant ces années désertes. Une vive entrée en liaison avec la jeune Mme de Schomberg donna quelque éveil curieux et jaloux aux autres amies plus anciennes : on ne voit pas que cet effort d’une ame qui semblait se reprendre à quelque chose ait duré. C’est peut-être par l’effet du même besoin inquiet, que, dès les premiers mois de sa perte, elle fit augmenter encore, du côté du jardin, son appartement déjà si vaste, à mesure hélas ! que son existence diminuait. Il paraît aussi que pour remplir les heures, Mme de La Fayette se laissa aller à plusieurs écrits, dont quelques-uns ont pu être égarés. La Comtesse de Tende doit dater de ces années-là. Le plus fort de la critique de Bussy et du monde en général, au sujet de la Princesse de Clèves, avait porté sur l’aveu extraordinaire que l’héroïne fait à son mari. Mme de La Fayette, en inventant une nouvelle situation analogue, qui amenât un aveu plus extraordinaire encore, pensa que la première en serait d’autant justifiée. Elle réussit dans la Comtesse de Tende, bien qu’avec moins de développemens qu’il n’eût fallu pour que la Princesse de Clèves eût une sœur comparable à elle : on sent que l’auteur a son but et qu’il y court. Les Mémoires de la Cour de France pour les années 1688 et 1689 se font remarquer par la suite, la précision et le dégagé du récit : aucune divagation, presque aucune réflexion ; un narré vif, empressé, attentif ; une intelligence continuelle. L’auteur d’un tel écrit était, certes, un esprit capable d’affaires positives. J’ai cité le mot assez piquant sur Mme de Maintenon à propos d’Esther. Racine, par contre-coup, y est un peu légèrement traité avec sa comédie de couvent : « Mme de Maintenon, pour divertir