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un homme d’esprit. Mais ces conclusions ont-elles une valeur pratique ? À n’en pas douter, selon M. Cousin. L’homme, à l’aide des facultés qu’on lui restitue, peut saisir l’absolu, l’être, l’infini (c’est tout un), qui se manifeste sous trois formes (pag. 57) : « le vrai, qui comprend la cause comme la substance, le beau et le bien. » L’important, pour nous, serait de savoir quelles choses sont absolument vraies, belles et bonnes, et comment ces choses deviennent applicables aux arts, aux sciences, à la vie sociale ? Ici, les paroles du philosophe deviennent tellement confuses, qu’il faut acheter la moindre idée par un effrayant travail d’esprit, et ces idées, il suffirait souvent de les opposer les unes aux autres pour en faire ressortir le grotesque ou le contradictoire. Nous choisissons les assertions les plus formelles sur les trois modes de l’absolu (page 140). « La substance de la vérité, c’est Dieu. Mais nous ne savons de Dieu rien autre chose, sinon qu’il existe, et qu’il se manifeste à nous par la vérité absolue. Se manifester pour un être universel et éternel, c’est se manifester universellement et éternellement. Dieu s’est donc manifesté en tout, partout et toujours, et comme il ne s’est manifesté que par la vérité, il s’ensuit qu’il doit y avoir partout et toujours de la vérité ; » voilà tout ce qu’on nous apprend sur le vrai. Le beau (page 225) « ne peut être la voie ni de l’utile, ni du bien, ni du saint. Il ne conduit qu’à lui-même. » Par conséquent, les arts, ayant pour objet l’expression du beau, ne méritent leur nom qu’à condition d’être inutiles. C’est l’auteur qui l’affirme, et plus loin (page 281) il développe sa pensée. — « Comme je refuse aux beaux-arts tout but d’utilité, comme l’art ne doit servir qu’à lui-même, je dois effacer l’éloquence de la liste des arts. » Autant en fait-il de l’histoire et de la philosophie, parce qu’elles tournent les mots vers un but d’utilité. Mais la poésie et la musique, qui apparemment ne servent à rien, sont des arts par excellence ; et, viennent ensuite s’échelonner à des distances diverses, la sculpture, l’architecture et la construction des jardins (page 282). La théorie du bien, c’est-à-dire la philosophie pratique, est fondée sur l’idée absolue du droit et du devoir. M. Cousin, par son système, est dispensé de toute argumentation. « L’absolu, dit-il (page 320), se légitime par lui-même. Si l’on me demande pourquoi il y a des devoirs, je répondrai parce qu’il y a des devoirs. Il n’y a pas de raison à donner de la raison. » Ainsi, nous sommes revenus à ces affirmations pures et simples qu’on a tant reprochées aux vieux traités de philosophie. Pourquoi donc substituer à l’ancienne dialectique aride, mais ferme et décisive, le transcendentalisme allemand qui ne peut engager personne, parce que jamais deux rêveurs ne se rencontreront dans le même nuage ? On n’en voit aucun motif, si ce n’est que, pour attirer à soi la foule béante, il faut pouvoir dire, en se drapant dans son manteau, comme l’un des docteurs