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de Molière : — « Nous avons changé tout cela, et nous faisons aujourd’hui les choses d’une méthode toute nouvelle. »

Une longue thèse de métaphysique, intitulée : Essai d’inductions philosophiques d’après les faits, par M. Rogniat aîné, mérite d’être distinguée. Au lieu de remonter par des subtilités d’analyse à la source de nos facultés, l’auteur affirme leur existence comme un fait planant au-dessus de la démonstration, et, en effet, les puissances qui constituent l’homme ne sont appréciables que par leur acte visible, de même qu’on ne peut constater l’élément lumineux que par la clarté qu’il répand. — « De deux choses l’une, » est-il dit dès les premières pages, « ou les causes et les effets qui embrassent l’existence de l’homme sont enchaînés dans un ordre absolument indépendant de lui, ou il dépend de lui que certains effets soient ou ne soient pas. Dans le premier cas, toute discussion est sans objet. » Ainsi, ceux qui nient que l’homme soit un agent libre, en plusieurs cas du moins, n’ont qu’à fermer un livre qui n’est pas fait pour eux. Nous avons suivi avec intérêt une série d’inductions, appuyées sagement sur les faits avérés de la vie organique et de la vie rationnelle, et qui conduit jusqu’au grand problème de la condition du genre humain sur la terre. Mais cette dernière partie appelle encore les méditations du philosophe. On sent dans les idées et dans l’expression une incertitude qui ressort surtout par la comparaison avec les débuts de l’ouvrage. On dirait que devant se prononcer sur les grands principes sociaux, l’auteur n’a pas osé formuler nettement ses conclusions[1].

En général, les traités qui ont pour objet la science de la sagesse, et dont la reproduction est éternelle, ne diffèrent les uns des autres que par la manière de grouper un certain nombre d’argumens connus. Ils sont peut-être, de tous les livres, ceux qu’on lit le moins aujourd’hui, et dont l’influence est la plus bornée. La faute en appartient moins à la science qu’à ceux qui en font profession. Pour la plupart, la philosophie n’est qu’une sorte d’escrime dont le but est de fortifier et d’étendre l’intelligence. Dans les luttes de la parole, le métaphysicien devient en effet assez redoutable par l’usage qu’il peut faire des argumens de chaque système, par l’habitude d’épuiser une idée, de conduire un raisonnement, de dénaturer les faits, en les poussant jusqu’à l’état d’abstraction. Le sentiment de ces avantages le rend trop souvent tranchant, querelleur, sans pitié pour l’adversaire qui ose le suivre sur le terrain de la discussion. Il est vrai qu’il finit presque toujours, comme les duellistes de profession,

  1. Le troisième volume de l’Histoire de la Philosophie, de H. Ritter, vient de paraître chez Ladrange, quai des Augustins, 9. Nous attendons le quatrième volume, qui doit compléter la première partie, pour présenter quelques vues générales sur la philosophie ancienne, à l’occasion de cette importante publication.