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REVUE LITTÉRAIRE.

sept huitièmes dans une région du comté de Durham. Les enquêtes faites récemment par ordre du gouvernement britannique citent diverses paroisses qui voient la moitié, les trois quarts, et quelquefois la totalité de leur revenu englouti par les pauvres ; il se trouve ainsi qu’en ces dernières, les propriétaires sont les seuls qui ne possèdent rien.

Un peu trop préoccupé de la thèse qu’il soutient, M. Naville paraît attribuer toutes ces calamités à la charité légale. On lui demandera sans doute si les contrées affranchies de cette mesure sont plus favorisées, et pour notre part, nous regrettons qu’il n’ait pas étendu ses recherches au reste de l’Europe. Une curiosité bien légitime nous a conduits à consulter quelques documens relatifs à la France. Il en ressort que la condition des classes indigentes s’est considérablement améliorée chez nous, tandis qu’elle s’aggravait chez nos voisins. Sous Louis XIV, un dixième de la nation était réduit à la mendicité, et mendiait effectivement : c’est l’expression d’un mémoire écrit en 1698 par un homme en position d’être bien informé, le célèbre Vauban. Aujourd’hui, avec une population au moins doublée, on ne compte plus qu’un indigent sur vingt personnes, 1,600,000 environ pour toute la France : encore comprend-on dans cette évaluation les enfans abandonnés au nombre de 540,000, les infirmes presque tous recueillis dans les établissemens publics, et beaucoup d’individus valides qui ne sont pas totalement dénués de ressources. Nous puisons ces chiffres dans une brochure récemment publiée par un fonctionnaire qui analyse le bel ouvrage de M. de Villeneuve-Bargemont sur l’Économie politique chrétienne. D’autres faits nous sont fournis par les derniers rapports de l’administration des hospices de Paris. On sait que la capitale et les grandes villes manufacturières sont les principaux foyers de souffrance. Le recensement de 1813 donnait près de 103,000 individus en état d’indigence. En 1835, on n’en trouve plus que 62,539, diminution qui équivaut à moitié, en établissant la relation du nombre des habitans aux deux époques. Prenant un terme de comparaison plus rapproché, on trouve un progrès même sur les dernières années de la restauration. Le mal est grand encore assurément. Les chiffres nous apprennent que les pauvres déclarés sont dans la proportion d’un à douze, et que plus d’un cinquième des habitans de Paris a fréquenté les hospices et les maisons de bienfaisance. N’oublions pas toutefois que treize hôpitaux, onze hospices, nombre de sociétés charitables, font de la capitale le rendez-vous de toutes les misères, et que d’ailleurs il ne faut pas toujours compter au nombre des malheureux ceux qui réclament effrontément l’assistance. L’administration a constaté un fait dont les adversaires de la charité légale feront sans doute leur profit. Plus des deux tiers des indigens échangent à leurs frais contre du pain blanc celui qu’ils re-