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çoivent, qui est pourtant, assure-t-on, d’une qualité supérieure à celui dont se contentent les soldats, et on a calculé que la somme employée par les pauvres de Paris à cet échange s’élevait par année à 120,000 francs au moins.

Mais il y a des misères cachées que la fierté ennoblit, des souffrances bien réelles qui sévissent dans les entrailles du peuple. La classe des travailleurs paraît avoir moins profité que les autres des épreuves du dernier siècle. Selon Vauban, que nous aimons à citer parce qu’il est précis, le journalier ou l’homme de peine gagnait dans les campagnes neuf sous, l’ouvrier des fabriques douze sous : les bons états rapportaient de quinze à trente sous par jour, le blé ayant débit à raison de sept livres le setier. Ce qui représente trente à quarante sous de notre monnaie actuelle dans les deux premiers cas, et dans les autres une progression de deux et demi à cinq francs. On voit qu’en général, la balance est à peu près égale entre les deux époques ; mais une question nouvelle se présente : la somme du salaire a-t-elle aujourd’hui pour l’ouvrier la même valeur qu’autrefois ? Nous ne le croyons pas. Évidemment, sa condition n’est plus la même. Le cercle de la société s’est élargi pour le recevoir. Il s’efforce d’y apporter des habitudes épurées, une intelligence ouverte à toutes les idées qui ont cours ; il participe enfin à cette anxiété d’esprit qui est le dangereux privilége des riches. Or, le prix de labeur qui procurait jadis l’aliment matériel, laisse en souffrance les appétits moraux et les besoins de convention non moins impérieux. De là, des plaintes sourdes et des remuemens sans fin, symptômes ordinaires de malaise.

Au reste, si l’on croit les indications fournies par la bibliographie, un grand nombre d’hommes éclairés sont préoccupés aujourd’hui de l’avenir des travailleurs. Plusieurs sociétés savantes ont appelé les méditations sur ce point en ouvrant des concours. Une présomption favorable est acquise à l’ouvrage de M. Émile Béres (des Classes ouvrières, et du moyen d’améliorer leur sort), couronné deux fois, à Paris et à Mâcon. Nous trouvons encore une foule de brochures sur les salles d’asile, l’instruction primaire, les caisses d’épargne, les sociétés de tempérance, la constitution de l’industrie, l’ouverture des immenses travaux qui doivent utiliser un grand nombre de bras. Par exemple, on compte, pour ce premier semestre, 41 publications relatives à des projets de routes, canaux et chemins de fer. Enfin un grave débat est soulevé sur un projet que la théorie nous présente comme le complément de toutes les améliorations, mais qui, dans la pratique, soulève des difficultés presque insolubles. Il s’agit du système pénitentiaire appliqué aux détenus. La librairie vient de mettre en présence plusieurs ouvrages sur ce sujet. Un des plus instructifs est celui de M. Charles Lucas (de la Réforme des prisons, ou de la Théorie