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IL NE FAUT JURER DE RIEN.

c’est vrai, mais ils ne veulent rien dire ; ses cheveux sont beaux, mais elle a le front plat ; quant à la taille, c’est peut-être ce qu’elle a de mieux, quoique vous ne la trouviez que passable. Je la félicite de savoir l’italien, elle y a peut-être plus d’esprit qu’en français ; pour ce qui est de sa dot, qu’elle la garde ; je n’en veux pas plus que de son bouillon.

VAN BUCK.

A-t-on idée d’une pareille tête, et peut-on s’attendre à rien de semblable ? Va, va, ce que je te disais hier n’est que la pure vérité. Tu n’es capable que de rêver des balivernes, et je ne veux plus m’occuper de toi. Épouse une blanchisseuse si tu veux. Puisque tu refuses ta fortune, lorsque tu l’as entre les mains, que le hasard décide du reste ; cherche-le au fond de tes cornets. Dieu m’est témoin que ma patience a été telle depuis trois ans que nul autre peut-être à ma place…

VALENTIN.

Est-ce que je me trompe ? Regardez donc, mon oncle. Il me semble qu’elle revient par ici. Oui, je l’aperçois entre les arbres ; elle va repasser dans le taillis.

VAN BUCK.

Où donc ? quoi ? qu’est-ce que tu dis ?

VALENTIN.

Ne voyez-vous pas une robe blanche derrière ces touffes de lilas ? Je ne me trompe pas ; c’est bien elle. Vite, mon oncle, rentrez dans la charmille, qu’on ne nous surprenne pas ensemble.

VAN BUCK.

À quoi bon, puisqu’elle te déplaît ?

VALENTIN.

Il n’importe, je veux l’aborder, pour que vous ne puissiez pas dire que je l’ai jugée trop légèrement.

VAN BUCK.

Tu l’épouseras si elle persévère ?

(Il se cache de nouveau.)
VALENTIN.

Chut ! pas de bruit ; la voici qui arrive.

CÉCILE, entrant.

Monsieur, ma mère m’a chargée de vous demander si vous comptiez partir aujourd’hui.

VALENTIN.

Oui, mademoiselle, c’est mon intention, et j’ai demandé des chevaux.

CÉCILE.

C’est qu’on fait un whist au salon, et que ma mère vous serait bien obligée si vous vouliez faire le quatrième.