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REVUE LITTÉRAIRE.

M. Dureau de la Malle. Il suffira de leur emprunter quelques conclusions pour en faire apprécier l’importance et le mérite. Le premier détermine l’étendue et la population de Rome ancienne. Les historiens les plus modérés, adoptant sans examen les évaluations de Juste-Lipse et de Vossius, accordaient à la grande cité trois à quatre millions d’habitans. M. de Châteaubriand lui-même a reproduit cette erreur dans ses Études historiques. Au dernier siècle, on avait condamné, comme un crime de lèse-majesté romaine, la conjecture de l’abbé Brottier, qui réduisait ce nombre à douze cent mille. Aujourd’hui, M. Dureau de la Malle démontre l’exagération de ce dernier chiffre dans une série de calculs et de raisonnemens qui épuisent le problème. La trace des deux enceintes de murailles a été parfaitement reconnue et mesurée géométriquement. La première, tracée par Servius Tullius, et qui suffit à Rome républicaine, a 638 hectares de superficie ; la seconde, élevée huit siècles plus tard par Aurélien, occupe 1,396 hectares, c’est-à-dire les deux cinquièmes environ de la superficie de Paris. Mais la capitale de l’Italie renfermait peut-être une population plus pressée que celle de la France ? Le président de Brosses dit à ce sujet, dans les lettres intéressantes qu’on vient de publier récemment : « Il fallait que les ménages fussent entassés les uns sur les autres, comme à Pékin, où, selon ce que j’ai appris d’un missionnaire, une famille de douze personnes n’a pour tout logement qu’une chambre de grandeur médiocre où tous les gens couchent sur une estrade, rangés à côté les uns des autres comme des éperlans. » Cette supposition ridicule est enfin renversée par les recherches du savant académicien. Rome impériale était enceinte de murs, d’un rempart et d’un fossé très large. Paris n’a qu’un mur de clôture simple de deux pieds d’épaisseur ; Rome avait 275 places ou carrefours, Paris n’en a que 70 ; il existait dans la ville antique 424 temples entourés ordinairement de bois sacrés, nous comptons seulement 50 églises. Les habitations des nobles, rendez-vous d’une nombreuse clientelle, devaient être plus vastes que nos plus riches hôtels, et, par exemple, le palais d’or de Néron, où se trouvait la statue colossale de cet empereur, haute de cent vingt pieds, occupait seul plus de terrain que les Tuileries, le Louvre et le Luxembourg réunis. Les cirques, les théâtres, les promenades n’étaient pas moins multipliés à Rome qu’à Paris ; et, dans cette dernière ville, les bains ne tiennent pas la vingtième partie de la place qui, dans l’autre, était envahie par les thermes publics et particuliers. La hauteur des édifices, restreinte par les réglemens de salubrité, n’excédait pas celle des nôtres. L’espace livré à l’habitation à Rome est donc facilement appréciable. Or, en admettant, contre toutes probabilités, que cet espace fût comparativement deux fois plus garni que les plus populeux quartiers de Paris, la Rome d’Au-