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néral ce sont elles qui attaquent l’émir de Cordoue pour les kalifes d’Orient ; ils sont plus occupés à se nuire entre eux qu’à faire de nouvelles conquêtes sur les chrétiens. Nous en avons la preuve dans un fait curieux : c’est que les princes de Cordoue s’unirent d’intérêt avec les empereurs presque toujours en guerre avec les Musulmans, tandis que les khalifes d’Orient firent alliance avec les princes français. Les invasions maritimes des Arabes nous présentent une série de faits peu connus jusqu’ici, et sur lesquels M. Reinaud nous donne de curieuses indications dans la troisième partie de son livre. La quatrième est pleine de notions intéressantes sur le caractère général et les résultats des invasions, sur les usages, l’esprit et la législation des conquérans qui ont laissé leurs traces dans le midi de la France.

Ainsi que nous l’avons dit, il serait souvent utile de rapprocher le livre de M. Fauriel de celui de M. Reinaud, et de les critiquer l’un par l’autre. M. Fauriel a tracé d’une manière plus large et plus intéressante les grandes invasions qui mirent un moment en péril l’existence de la chrétienté ; mais, si l’on s’en rapporte aux récits de M. Reinaud, M. Fauriel, séduit par l’éclat de la puissance arabe aux xie et xiie siècles, aurait vu d’un œil trop favorable les hommes et l’époque de l’invasion. Quelques chefs syriens, qui avaient profité des restes de la civilisation grecque importée en Asie, purent porter en Espagne le germe de ces lumières, de cette poésie chevaleresque qui s’y développa plus tard. Mais au temps de l’invasion de Tarek et de Moussa la masse des conquérans était en grande partie barbare. Les armées qui envahirent l’Espagne, et plus tard la France, étaient composées d’Arabes, de Berbères, de renégats, de juifs et de chrétiens, qui, sans avoir renié leur culte, prouvaient par leur conduite qu’ils n’appartenaient à aucune religion. Il est vrai que M. Fauriel fait mention des Berbères, de leur grossièreté et de leur rapacité sauvage ; mais c’est dans le livre de M. Reinaud qu’on trouve l’unique mention de ces juifs et de ces chrétiens mêlés aux Arabes, et qui n’étaient qu’un infâme ramassis de brigands de toutes langues et de tous pays. À en juger par certains traits, dont l’authenticité n’est pas mise en doute, les Arabes eux-mêmes étaient loin d’avoir dépouillé toute barbarie. Ainsi, Tarek, pour inspirer plus de terreur aux habitans d’une ville d’Espagne qu’il assiégeait, aurait fait tuer quelques-uns de ses captifs, et, après les avoir fait cuire, les aurait donnés à manger à ses soldats.

Les livres que nous venons de mentionner se rapportent à l’histoire positive ; ils ont pour but de nous en faire connaître les faits réels, de les détacher même de ce qui pourrait s’y être mêlé de faux ou de fabuleux. En voici un qui a été conçu dans un tout autre but. L’auteur, M. Leroux de Lincy, s’est constitué l’historien du mensonge et du merveilleux. Il a