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REVUE LITTÉRAIRE.

sur l’histoire de Benoît de Sainte-More, qui n’a pas moins de trente mille vers, et qui s’imprime en ce moment à l’imprimerie royale.

Ce n’est pas seulement avec l’aide du ministère de l’instruction publique que les grands monumens littéraires du moyen-âge sont publiés. Des éditeurs dévoués s’efforcent de mettre à la portée de tous les productions diverses de cette littérature si long-temps négligée. Nous devons citer surtout le Roman de Brut, publié par M. Leroux de Lincy. Ce poème, composé, en 1155, par Wace, trouvère normand, auquel nous devons le Roman de Rou, n’a pas moins de seize mille vers, et n’est, à vrai dire, qu’une histoire merveilleuse de l’Angleterre. L’histoire de nos voisins se mêle si souvent à la nôtre, qu’une source féconde pour eux ne saurait être sans utilité pour nous. Les notes que M. Leroux de Lincy a jointes au récit des aventures du roi Lear, prouvent que Shakspeare n’a pu avoir connaissance des poèmes de Wace, ni de la chronique de Geoffroi de Montmouth, mais qu’il avait certainement puisé dans des ouvrages écrits d’après ces deux chroniqueurs. Le poème de Brut est publié avec tous les soins que réclamait son importance. Le texte est donné d’après neuf manuscrits ; les variantes sont placées au bas des pages ; tous les mots d’une acception différente de celle qu’on leur donne aujourd’hui sont expliqués aux lecteurs peu familiarisés avec notre ancien idiome. Des notes historiques, géographiques et littéraires complètent le travail de l’éditeur. Il s’est attaché surtout à rapprocher les traditions fabuleuses recueillies par Wace, des faits historiques solidement établis par les chroniqueurs, les poètes français ou latins, gallois ou anglo-saxons. Il résulte de ce curieux travail que le Roman de Brut n’est pas, comme on l’avait cru jusqu’ici, une simple traduction rimée de la chronique latine de Geoffroi de Montmouth : il y a imitation visible de la part du trouvère normand ; mais une foule de détails prouvent qu’il avait consulté d’autres sources et recueilli d’autres traditions.

Après avoir heureusement débuté par l’Ystoire de li Normans, que nous avons fait connaître par une analyse très développée, la Société de l’histoire de France vient de donner cette année deux volumes de moindre importance. Le premier est un recueil de lettres du cardinal Mazarin à la reine et à la princesse Palatine, écrites, pendant sa retraite hors de France, en 1651 et 1652. Les nombreux mémoires laissés sur la Fronde par les principaux acteurs de ce drame n’ont pas complètement éclairci les mille intrigues qui le compliquent. Voici une correspondance qui donne la preuve matérielle d’un fait que jusqu’ici l’on avait seulement soupçonné, à savoir, que ce fut pour ne pas livrer à ses ennemis l’homme qu’elle aimait, qu’Anne d’Autriche soutint avec tant de fermeté les périls de la lutte dangereuse où elle s’était engagée, en maintenant Mazarin au