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REVUE DES DEUX MONDES.

LE CLERC.

N’en doutez pas. Les Grecs et les Romains sont à jamais bannis de France ; un vers spirituel et mordant…

COTONET.

Alors le romantisme n’est qu’un plagiat, un simulacre, une copie ; c’est honteux, monsieur, c’est avilissant. La France n’est ni anglaise, ni allemande, pas plus qu’elle n’est grecque ni romaine, et plagiat pour plagiat, j’aime mieux un beau plâtre pris sur la Diane chasseresse qu’un monstre de bois vermoulu décroché d’un grenier gothique.

LE CLERC.

Le romantisme n’est point un plagiat, et nous ne voulons imiter personne ; non, l’Angleterre ni l’Allemagne n’ont rien à faire dans notre pays.

COTONET, vivement.

Qu’est-ce donc alors que le romantisme ? Est-ce l’emploi des mots crus ? Est-ce la haine des périphrases ? Est-ce l’usage de la musique au théâtre à l’entrée d’un personnage principal ? Mais on en a toujours agi ainsi dans les mélodrames, et nos pièces nouvelles ne sont pas autre chose. Pourquoi changer les termes ? Mélos, musique, et drama, drame. Calas et le Joueur sont deux modèles en ce genre. Est-ce l’abus des noms historiques ? Est-ce la forme des costumes ? Est-ce le choix de certaines époques à la mode, comme la Fronde ou le règne de Charles IX ? Est-ce la manie du suicide et l’héroïsme à la Byron ? Sont-ce les néologismes, le néo-christianisme, et, pour appeler d’un nom nouveau une peste nouvelle, tous les néosophismes de la terre ? Est-ce de jurer par écrit ? Est-ce de choquer le bon sens et la grammaire ? Est-ce quelque chose enfin, ou n’est-ce rien qu’un mot sonore et l’orgueil à vide qui se bat les flancs ?

LE CLERC, avec exaltation.

Non ! ce n’est rien de tout cela ; non ! vous ne comprenez pas la chose. Que vous êtes grossier, monsieur ! quelle épaisseur dans vos paroles ! Allez, les sylphes ne vous hantent point ; vous êtes ponsif, vous êtes trumeau, vous êtes volute, vous n’avez rien d’ogive ; ce que vous dites est sans galbe ; vous ne vous doutez pas de l’instinct sociétaire ; vous avez marché sur Campistron.