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IL NE FAUT JURER DE RIEN.

révélé à cette femme le secret de notre traité. C’est vous qui avez causé le mal ; cessez de m’injurier, moi qui le réparerai. Doutez-vous que cette petite fille, qui cache si bien les billets doux dans les poches de son tablier, ne fût venue au rendez-vous donné ? Oui, à coup sûr elle y serait venue ; donc elle viendra encore mieux cette fois. Par mon patron ! je me fais une fête de la voir descendre en peignoir, en cornette et en petits souliers, de cette grande caserne de briques rouillées ! Je ne l’aime pas, mais je l’aimerais, que la vengeance serait la plus forte, et tuerait l’amour dans mon cœur. Je jure qu’elle sera ma maîtresse, mais qu’elle ne sera jamais ma femme ; il n’y a maintenant ni épreuve, ni promesse, ni alternative ; je veux qu’on se souvienne à jamais dans cette famille du jour où l’on m’en a chassé.

L’AUBERGISTE, sortant de la maison.

Messieurs, le soleil commence à baisser ; est-ce que vous ne me ferez pas l’honneur de dîner chez moi ?

VALENTIN.

Si fait ; apportez-nous la carte, et faites-nous allumer du feu. Dès que votre garçon sera revenu, vous lui direz qu’il me donne réponse. Allons, mon oncle, un peu de fermeté ; venez et commandez le dîner.

VAN BUCK.

Ils auront du vin détestable ; je connais le pays ; c’est un vinaigre affreux.

L’AUBERGISTE.

Pardonnez-moi ; nous avons du Champagne, du chambertin, et tout ce que vous pouvez désirer.

VAN BUCK.

En vérité ? dans un trou pareil ? c’est impossible ; vous nous en imposez.

L’AUBERGISTE.

C’est ici que descendent les messageries, et vous verrez si nous manquons de rien.

VAN BUCK.

Allons ! tâchons donc de dîner ; je sens que ma mort est prochaine, et que dans peu je ne dînerai plus.

( Ils sortent.)

Scène II.

Au château. Un salon.
Entrent LA BARONNE et L’ABBÉ.
LA BARONNE.

Dieu soit loué, ma fille est enfermée. Je crois que j’en ferai une maladie.