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JEAN-SÉBASTIEN.

reux débuts, qu’ils furent jugés dignes, par le comte régnant de Schwarzbourg-Arnstadt, d’être envoyés en Italie, pour y terminer leurs études à ses frais. On ne peut dire jusqu’à quel point ils répondirent aux espérances de leur noble protecteur, car il ne nous est rien parvenu de leurs ouvrages. Il en eût été de même de la quatrième génération, et d’admirables morceaux seraient aujourd’hui tout-à-fait inconnus, si Jean-Sébastien n’avait eu soin de les conserver. Voici les noms des maîtres de la famille Bach, dont il reste des fragmens importans.

Jean-Christophe, organiste de la cour et de la ville, à Eisenach. Il a surtout inventé de simples et d’heureuses mélodies. Dans les archives de la famille que Charles-Philibert-Emmanuel Bach conservait à Hambourg, on a trouvé, parmi bien d’autres pièces, un motet de sa composition dans lequel il avait essayé de faire usage de la sixte augmentée ; audace inouie à cette époque. Pour se convaincre des études profondes et sévères que Jean-Christophe avait faites, il suffit de lire un morceau d’église sur ces paroles : es erhub sich ein streit, composé par lui à l’occasion de la fête de saint Michel. Ce fragment est écrit pour vingt-deux voix obligées. Ch.-Ph.-Emmanuel en faisait grand cas. « Je me souviens, écrit Forkel, d’un jour où le vieux et digne homme me fit entendre quelques-unes de ses anciennes compositions ; il jouait de mémoire et semblait dépenser le peu de forces qui lui restaient à faire mouvoir ses pauvres doigts engourdis par l’âge ; il fallait le voir s’épuiser en travail autour de ces graves études, suivre le motet à travers toutes ses transformations, et, lorsque reparaissait libre et pur le chant qui lui rappelait sa jeunesse, sa famille et ses amours de vingt ans, il fallait voir le vieillard sourire avec béatitude et mouiller de ses larmes les touches du clavier. » Après Christophe viennent son jeune frère Jean-Michel, organiste et greffier de la ville, et Johann Bernhard, musicien de la chambre et organiste à Eisenach ; il a écrit surtout de belles ouvertures dans le style français.

Non seulement ceux que je viens de citer, mais encore plusieurs autres membres de cette famille, auraient pu sans contredit obtenir des charges plus importantes, s’ils eussent voulu abandonner la Thuringe et se faire connaître hors de leur patrie. C’est vraiment une belle chose à contempler que la vie simple et laborieuse de ces premiers artistes. Il était réservé à l’Allemagne de posséder toutes