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« … Cependant, y disait-on, pour conserver, par un dernier sacrifice, la bonne harmonie entre deux peuples que la nature a faits voisins, et que la liberté doit rendre frères, peut-être pourrions-nous consentir à donner au monde cet exemple de faiblesse si éloigné de notre caractère opiniâtre et fier… Mais une considération plus puissante ne nous laisse pas même le droit de peser ces questions. Nous avons compromis nos frères de l’intérieur, nous les avons désignés aux vengeances d’un gouvernement impitoyable. Déjà les instructions sont commencées, les prisons ouvertes, les échafauds dressés. Des milliers de généreuses victimes vont payer de leur sang le crime irrémissible d’avoir répondu à notre cri de liberté. Mon général, mettez la main sur votre noble cœur : pouvons-nous les laisser périr ?… Pourquoi nous obliger à la résistance, disait-on en terminant, nous qui ne voulons que la concorde ; au ressentiment et à la haine, nous qui ne voulons que la reconnaissance et l’amitié ? N’est-il aucun moyen de satisfaire à la fois aux vœux de notre nation et aux besoins politiques de la vôtre ? Ce n’est pas notre dessein que vous désapprouvez ; la révolution d’Espagne est aussi juste, aussi nécessaire que celle que vous vous glorifiez d’avoir accomplie. Ce n’est pas l’affection pour un gouvernement infâme, et qui vous traite en ennemi, qui peut vous décider à retenir nos bras. Mais, dans ce moment, nos projets vous embarrassent ; vous ne savez comment vous conduire, en présence des étrangers qui mesurent tous vos pas, ni comment respecter ce principe de non-intervention dont vous imposez le respect aux autres. En un mot, vous craignez les regards et les reproches de la diplomatie européenne… Nous ne demandons au gouvernement français ni argent, ni troupes, ni secours d’aucune espèce. Que son hospitalité ne lui coûte rien, mais qu’il n’emprisonne pas ses hôtes… Nous ferons plus : toutes ces armes, toutes ces munitions qui nous ont été prises, qu’il les garde ; il peut les montrer en triomphe aux diplomates étrangers. Nous ferons plus encore : chaque semaine, nous lui livrerons d’autres armes et d’autres munitions ; chaque semaine, ses agens pourront dresser des inventaires de saisies, qui lui serviront de réponses aux notes diplomatiques. Dans ce moment, où l’Europe entière est en agitation, où les troubles d’Angleterre appellent l’attention du monde sur des évènemens plus grands que ceux des Pyrénées, et vont peut-être déli-