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DE L’ESPAGNE.

la constitution sera la bannière qui réunira tout le parti de la liberté. »

Mais peut-être n’est-il pas besoin de ces efforts et de cette victoire. Peut-être une transaction devient-elle possible aujourd’hui, et le plus beau triomphe de la révolution serait de finir la guerre de Navarre sans massacres, sans combat, sans effusion de sang. On sait maintenant les vraies causes et le vrai caractère de la révolte des provinces basques. On sait que ces provinces, unies, mais non incorporées à l’Espagne, simple annexe, mais non partie intégrante de la monarchie, reconnaissant dans le roi un suzerain, mais non un maître, ne lui devant aucun impôt d’hommes ou d’argent, administrant elles-mêmes leurs revenus, disposant de leurs milices, nommant leurs chefs et leurs magistrats, ayant leur langue propre, comme leurs constitutions particulières ; on sait, dis-je, qu’elles ont pris les armes pour la conservation de ces franchises précieuses ; qu’elles soutiennent, non une guerre d’opinion, mais une guerre d’intérêt ; non une guerre civile, mais une guerre d’indépendance ; que le prétendant n’est pour elles qu’un drapeau qui leur assure les secours des absolutistes des autres provinces, des souverains et des autocraties de l’Europe ; qu’enfin, si elles veulent que l’Espagne soit esclave sous un roi absolu, c’est pour rester libres sous leurs constitutions républicaines. Ailleurs aussi[1], il y a plus de deux ans, j’ai développé cette opinion, qu’un fait confirme d’une manière irréfragable : c’est que les Navarrais et les Biscayens ont fait, comme on dit, leurs affaires, mais non celles du prétendant ; qu’ils soutiennent une guerre de défense, non d’attaque, et que, même après leurs plus grands succès et malgré les exhortations des protecteurs qu’ils ont à l’étranger, leur chef s’appelât-il Villareal ou Zumalacarregui, jamais ils n’ont permis à don Carlos, je ne dirai pas de marcher sur Madrid, mais seulement de s’approcher de l’Ebre. Aujourd’hui, ces provinces sont fatiguées d’une lutte sans relâche, épuisées par une guerre de dévastation, qui se fait sur leur territoire. Elles désirent une trêve, un arrangement, plus encore peut-être que l’Espagne assaillante. Elles cherchent, comme l’avouait naguère le généralissime Villareal dans une entrevue, un moyen de rendre les armes sans bassesse

  1. Voir l’ouvrage précédemment cité, pag. 97 suiv.