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les élèves et les amis, et ce sont eux qui annulent la quadruple alliance. Aussi nous écrit-on de Londres qu’on ne conçoit rien à une pareille conduite de la part de gens qui affectaient les apparences d’une politique profonde et systématique. Dans l’ardeur des collisions violentes, les hommes du 11 octobre avaient pu faire quelque illusion, à force de répéter leurs protestations d’attachement à la cause constitutionnelle ; mais aujourd’hui les déceptions ne sont plus possibles : on les connaît à l’intérieur par les lois de septembre ; on les connaît à l’étranger par une politique qui peut amener l’entrée de don Carlos à Madrid.


Sauf la malheureuse affaire de Jadraque, où Gomez a remporté un avantage sur les constitutionnels, il ne s’est rien passé de fort remarquable en Espagne. Le ministère n’est pas encore complet, et en supposant qu’il reste composé comme il l’est à présent, et sous la présidence de M. Calatrava, il ne le sera peut-être pas de long-temps, et c’est assurément la chose du monde la moins importante. Il n’y a pour le moment que deux choses à faire en Espagne, remplir le trésor, ce qui est très difficile, réorganiser l’armée, ce qui ne l’est pas moins. Le reste ne signifie rien ; cortès, décrets, liberté de la presse, épuration de fonctionnaires, tout cela, sans doute, pourra être un jour fort bon, à son temps, à son heure ; mais actuellement, rien de tout cela n’avance d’une minute l’accomplissement du grand objet qu’on doit se proposer, la fin de la guerre civile ; car voilà le but, et les deux choses à faire que nous avons indiquées n’en sont que les moyens. Malheureusement, la situation est telle, et, en dépit des efforts du ministère, s’aggrave tellement de jour en jour, que malgré soi et malgré toutes ses sympathies, on se surprend à la croire désespérée.

Quelque bonnes intentions que l’on suppose à un ministère, quels que soient les talens, l’intelligence, le dévouement, la supériorité d’esprit de sept ou huit hommes appelés à sauver un pays, seuls ils ne peuvent rien, et nous ne ferions pas cette réflexion, presque triviale à force d’être vraie, si nous ne voulions pas en venir à exprimer une opinion basée sur la connaissance parfaite de ce qui se passe en Espagne, l’opinion que M. Calatrava et ses collègues sont pour le moment tout seuls à la tâche. Nous ne croyons pas du tout que l’Espagne soit indifférente au triomphe de l’un ou de l’autre des trois partis qui se la disputent ; cela n’est pas possible. Mais plus la crise devient menaçante, plus la nation s’abandonne ; plus l’ensemble du pays se divise, plus les individualités se retirent ; plus chacun se plonge dans l’obscurité de son existence domestique, et plus dans l’incertitude de l’avenir on arrange, l’un sa défection, l’autre sa fuite, tous avec le désir d’échapper à la tempête des réactions, en se faisant oublier.