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IL NE FAUT JURER DE RIEN.

(Valentin se lève et fait quelques pas.) Qu’avez-vous donc ? qui vous chagrine ? Venez vous rasseoir près de moi.

VALENTIN.

Ce n’est rien ; j’ai cru, — j’ai cru entendre, — j’ai cru voir quelqu’un de ce côté.

CÉCILE.

Nous sommes seuls ; soyez sans crainte. Venez donc. Faut-il me lever ? Ai-je dit quelque chose qui vous ait blessé ? Votre visage n’est plus le même. Est-ce parce que j’ai gardé mon schall, quoique vous vouliez que je l’ôtasse ? C’est qu’il fait froid ; je suis en toilette de bal. Regardez donc mes souliers de satin. Qu’est-ce que cette pauvre Henriette va penser ? Mais qu’avez-vous ? Vous ne répondez pas ; vous êtes triste. Qu’ai-je donc pu vous dire ? C’est par ma faute, je le vois.

VALENTIN.

Non, je vous le jure, vous vous trompez ; c’est une pensée involontaire qui vient de me traverser l’esprit.

CÉCILE.

Vous me disiez « tu, » tout à l’heure, et même, je crois, un peu légèrement. Quelle est donc cette mauvaise pensée qui vous a frappé tout à coup ? Vous ai-je déplu ? Je serais bien à plaindre. Il me semble pourtant que je n’ai rien dit de mal. Mais si vous aimez mieux marcher, je ne veux pas rester assise. ( Elle se lève.) Donnez-moi le bras, et promenons-nous. Savez-vous une chose ? Ce matin, je vous avais fait monter dans votre chambre, un bon bouillon qu’Henriette avait fait. Quand je vous ai rencontré, je vous l’ai dit ; j’ai cru que vous ne vouliez pas le prendre, et que cela vous déplaisait. J’ai repassé trois fois dans l’allée ; m’avez-vous vue ? Alors vous êtes monté. Je suis allée me mettre devant le parterre, et je vous ai vu par votre croisée ; vous teniez la tasse à deux mains, et vous avez bu tout d’un trait. Est-ce vrai ? l’avez-vous trouvé bon ?

VALENTIN.

Oui, chère enfant ! le meilleur du monde, bon comme ton cœur et comme toi.

CÉCILE.

Ah ! quand nous serons mari et femme, je vous soignerai mieux que cela. Mais dites-moi, qu’est-ce que cela veut dire de s’aller jeter dans un fossé ? risquer de se tuer, et pourquoi faire ? Vous saviez bien être reçu chez nous. Que vous ayez voulu arriver tout seul, je le comprends ; mais à quoi bon le reste ? Est-ce que vous aimez les romans ?

VALENTIN.

Quelquefois ; allons donc nous rasseoir.

(Ils se rasseoient.)