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s’ils étaient partisans de l’aristocratie, s’ils tenaient à écarter de l’administration du pays les hommes de talent pauvres, et à confisquer toute l’influence au profit des riches : mais au contraire, ce sont des apôtres du libéralisme, des défenseurs de l’égalité. Amis sincères du pauvre, j’en suis persuadé, ils se sont mis en tête que le meilleur procédé d’amélioration populaire consistait dans la réduction des dépenses publiques ; pour eux, toute réduction d’appointemens est une victoire ; toute suppression une glorieuse conquête. C’est ainsi qu’ils ont été tout fiers, lors de la discussion de la loi municipale, d’y faire insérer un article portant que les maires ne pourraient rien recevoir des communes, à quelque titre que ce fût. Les villes principales étaient dans l’usage d’allouer à leurs maires des indemnités pour frais de représentation et autres objets. C’était juste, non-seulement parce que dans les grandes villes les fonctions de maire sont difficiles à remplir, absorbent toute l’activité d’un homme et ne lui laissent pas le temps de vaquer à ses affaires, mais aussi parce qu’en fait ces fonctions obligent les titulaires à mille dépenses, dont nos économiseurs parlementaires, dans leur empyrée métaphysique, ne se doutent nullement. Cet amendement était déplorable le lendemain d’une révolution qui s’était accomplie malgré ce qui reste en France de grande propriété, et qui, par conséquent, écartait nécessairement des emplois publics la plupart des riches ; il l’était, dans un temps de crises terribles où les fonctions municipales, dans nos grandes cités, telles que Lyon, Marseille, Rouen, Bordeaux, exigeaient à tout prix des hommes de tête et de cœur. Nos rogneurs de budget l’ont emporté cependant, et, si l’on ne trouve plus personne dans nos villes pour se charger des fonctions municipales, si les préfets sont obligés de les colporter pour les offrir à tout venant, c’est à eux que la responsabilité en revient pour la meilleure part.

Les traitemens élevés répugnent à la démocratie parce qu’elle ne les conçoit pas. L’ouvrier, qui gagne 500 dollars, se croit généreux envers un fonctionnaire à qui il en octroie 1,500 ou 2,000 ; tout comme nos bourgeois à 10,000 fr. de rentes ne comprennent pas qu’à Paris un fonctionnaire, qui reçoit 12,000 ou 15,000 fr., ne soit pas satisfait. Les Américains s’étaient persuadés qu’il pourrait chez eux, comme ailleurs, y avoir deux monnaies, l’ar-