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Le général Jackson a donc, ainsi que le connétable Duguesclin, commencé par être un garnement. Si à cette époque il fut toujours battant et battu comme le bon connétable, ce n’est pas qu’il n’eût de plaisir que dans la lutte ; ce n’est pas qu’il fût un homme hargneux et qu’il se plongeât dans la vengeance et dans le sang

    cette affaire, n’étaient pas du côté du général Jackson, car aujourd’hui, dans le sénat des États-Unis dont il est membre, il se montre le plus dévoué partisan de toutes les mesures de l’administration, et le plus ardent admirateur du président.

    « Franklin (Tennessée), 10 septembre 1813.

    « Une mésintelligence, qui existait depuis quelques mois entre le général Jackson et moi, a eu pour résultat, samedi 4 courant, à Nashville, le plus affreux attentat qui se soit vu dans un pays civilisé. En faisant part de cette affaire à mes amis et concitoyens, je me bornerai à citer les faits principaux ; je suis prêt à en établir la vérité en justice.

    « 1o  J’arrivai avec mon frère, Jessé Benton, le matin de l’attentat ; sachant les menaces proférées par le général Jackson, nous descendîmes à un hôtel différent de celui où il était logé.

    « 2o  Le général se rendit avec quelques-uns de ses amis à notre hôtel ; il commença l’attaque en m’ajustant avec un pistolet, sans que j’eusse aucune arme à la main, et s’avança vivement sur moi sans me donner le temps d’en saisir une.

    « 3o  À cette vue, mon frère tira sur le général, lorsque celui-ci n’était plus qu’à huit ou dix pieds de moi.

    « 4o  Quatre coups de pistolet furent alors tirés à la suite l’un de l’autre : l’un par le général Jackson sur moi, deux par moi sur lui, le quatrième par le colonel Coffee sur moi. Dans cette décharge, le général Jackson fut renversé ; je ne fus pas atteint.

    « 5o  On en vint alors aux poignards. Le colonel Coffee et M. Alexandre Donalson se jetèrent sur moi et me firent cinq légères blessures. Le capitaine Hammond et M. Stokely Hays attaquèrent mon frère, qui, affaibli par une blessure grave reçue dans un duel, ne pouvait tenir tête à deux hommes. Ils le renversèrent : le capitaine Hammond lui tenait la tête pour l’empêcher de bouger, et M. Hays essayait de le poignarder. Mon frère fut blessé aux deux bras, parce que, couché sur le dos, il parait les coups avec ses mains nues. Un généreux citoyen de Nashville arracha mon frère de cette situation critique. Avant d’être renversé, mon frère avait voulu décharger un pistolet sur la poitrine de M. Hays, mais le coup n’était pas parti.

    « 6o  Mes pistolets et ceux de mon frère avaient deux balles chacun, notre intention ayant été, si l’on nous obligeait à nous en servir, de ne pas plaisanter. Les coups de pistolet qui furent tirés contre moi le furent de si près, que l’explosion de l’un brilla la manche de mon habit, et l’autre fut ajusté sur ma tête, de la longueur du bras.

    « Le capitaine Carroll devait participer à l’attentat ; mais il était absent avec l’autorisation du général Jackson, comme il l’a prouvé par le certificat du général lui-même.

    « L’attaque eut lieu dans la maison où le juge du district, M. Searcy, était logé, tant nos adversaires ont peu de respect pour les lois et pour leurs ministres. L’autorité civile n’a pas encore évoqué cet horrible méfait.

    « Signé : Thomas Hart Benton,

    « Lieutenant-colonel du 39me d’infanterie. »