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cette expédition, non moins contre l’indiscipline de ses propres soldats que contre la bravoure et les embuscades des Indiens ; mais son infatigable persévérance triompha de tout. Il préludait ainsi dignement à de plus hauts faits d’armes.

À la suite de la guerre contre les Creeks, le général Jackson reçut le grade de major-général dans l’armée fédérale et se rendit à la Nouvelle-Orléans qu’on supposait devoir être l’objet d’une descente des Anglais. Il y établit son quartier-général le 1er décembre 1814 ; il était alors à peu près sans troupes. Les milices du Kentucky et du Tennessée n’étaient pas encore descendues ; une grande partie de la population louisianaise, mélange de toutes les nations, était peu disposée à courir des dangers pour le triomphe du pavillon américain. Le cours du Mississipi était sans défense. Tout à coup la flotte anglaise parut ; elle portait des troupes d’élite, qui avaient fait sous Wellington les campagnes de la Péninsule ; le 14 décembre, la flottille des canonnières américaines sur les lacs voisins de la Nouvelle-Orléans tomba au pouvoir des Anglais, non sans une vive résistance. Le 23 décembre, les Anglais passèrent du lac Borgne au Mississipi par le bayou Bienvenu[1]. Ils étaient en vue de la ville. Pendant la nuit qui suivit, le général Jackson vint les surprendre et les combattit dans les ténèbres. Ce fut une action sans résultat ; mais elle prouva aux Anglais qu’ils avaient affaire à un adversaire plein de résolution ; il paraît qu’ils ne s’y attendaient pas. D’une extrême confiance, ils passèrent à une prudence exagérée ; ils n’osèrent pas pousser droit sur la ville qui alors eût dû capituler.

Après quelques jours d’escarmouche, la bataille se livra le 8 janvier, à deux lieues de la Nouvelle-Orléans, sur la rive gauche du fleuve. Le général Jackson, qui avait reçu des renforts, comptait environ cinq mille soldats composés, en partie, de ces intrépides chasseurs de l’Ouest qui, à cent pas, frappent un écureuil où il leur plaît. Il s’était posté en un point où le marais qui longe le Mississipi se rapproche du fleuve de manière à n’en être plus qu’à mille pieds. Un fossé était déjà établi du marais au fleuve ; il le fit approfondir, et avec les terres qu’on en retira, on compléta un re-

  1. On appelle bayous, en Louisiane, des bras que le Mississipi, avant d’arriver à son embouchure principale, jette vers la mer et vers les lacs qui communiquent avec elle.