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DE LA PRÉSIDENCE AMÉRICAINE.

lateur à la façon d’un bourgeois hollandais. Mais ces mêmes hommes ressemblent tous plus ou moins à des statues de marbre, ils en ont le calme glacial, l’attitude inanimée. Ils manquent d’entrain. La postérité les admire et les bénit ; leurs contemporains les respectent, mais ne ressentent pour eux que de faibles transports. Ce sont les hommes qui conviennent dans des républiques. Ils sont éminemment propres à faire prévaloir l’autorité de la loi, car ils sont habitués à faire taire devant ses décrets leurs opinions et leurs désirs personnels, et ils savent aussi au besoin plier à l’ordre légal la résistance d’autrui. Les grands hommes de l’autre sorte sont grands par le développement extrême de quelques-unes des facultés humaines ; leurs grandes qualités sont accouplées à de grands défauts. Ils ont une volonté de fer, un coup d’œil prompt comme l’éclair, une immense ambition d’attacher leur nom à des œuvres gigantesques. Dévorés de passions ardentes, ils provoquent des élans d’amitié idolâtre et de haine effrénée. Leur fortune jette, par instans, un éclat qui éblouit ; mais elle est singulièrement exposée à pâlir. La brûlante énergie de leur tempérament se traduit quelquefois par d’effroyables violences qui ternissent leurs belles actions. Il arrive à maint d’entre eux de vivre éternellement dans la mémoire des peuples ; leur plus grande gloire est cependant de leur vivant. Ils emplissent l’univers du fracas de leurs entreprises et ils ébranlent le monde, plus encore pour avoir la satisfaction de le sentir suspendu à leur main puissante que pour améliorer la condition des hommes ; or, la postérité ne se souvient que des bienfaits que l’humanité a reçus, elle oublie ce qui n’est que vain bruit et fumée. Le général Jackson est du calibre de ces hommes éminemment personnels, passionnés, pour qui le monde est un vaste théâtre où il faut qu’ils fassent dominer leur voix et leur geste. Il eût été de force à prendre place parmi les César, les Alexandre et les Napoléon, si l’éducation d’abord, et les circonstances ensuite, ne lui eussent fait défaut.

M. Monroë, qui occupait alors le fauteuil présidentiel, était un homme doux et bon, dévoué à sa patrie, mais d’un caractère faible. M. Monroë n’eut la main ni assez ferme pour contenir les partis, ni assez habile pour leur épargner les occasions de se déchaîner. Ils ne se soulevèrent pas contre lui, parce qu’il était inof-