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chambre des représentans, qui, dans cette circonstance spéciale, vote par états et non par têtes, et qui doit choisir parmi les trois premiers candidats. M. Crawford, frappé de paralysie, était hors de cause. La chambre eut donc à se prononcer entre M. Adams et le général ; elle donna la préférence au premier. Mais quand, après son premier terme de quatre ans, M. Adams se présenta de nouveau aux suffrages de ses concitoyens, il n’obtint que quatre-vingt-trois votes ; le général Jackson en eut cent soixante-dix-huit, et en conséquence fut inauguré le 4 mars 1829. M. Calhoun, de la Caroline du Sud, qui avait déjà été élu vice-président sous M. Adams, et qui alors était lié avec le général, fut réélu à la même dignité.

Une fois président, le général Jackson se sentit plus à l’aise. Il était trop peu avocat pour bien s’acquitter du rôle de chef de parti parlementaire. Au contraire, essentiellement homme d’exécution, lorsqu’il fut devenu la personnification du pouvoir exécutif, il se trouva dans son élément, autant que les limites tracées par la constitution fédérale lui laissaient ses coudées franches. Il était destiné à montrer, par son exemple, que cette constitution était bien autrement élastique qu’on ne l’avait supposé avant lui. Les hommes de la trempe du général Jackson aiment peu les discussions, ils y sont peu propres ; mais ils sont sans pareils pour prendre un parti, pour mettre des théories en pratique, pour passer de l’idée à l’acte ; ils sont admirables quand le temps de l’action doit succéder à celui de la délibération. Dans leur humeur remuante, de leurs mains énergiques ils pressent tout, poussent tout en avant ; ils croient, comme César, n’avoir rien fait tant qu’il reste quelque chose à faire. Jackson commença par procéder militairement à l’égard de ceux qui avaient été ses adversaires politiques ; il destitua ceux qui étaient fonctionnaires publics, et les remplaça par ses créatures. Jaloux de récompenser le zèle de ses amis, il composa son cabinet d’hommes qui s’étaient signalés par leur ardeur dans les querelles politiques, et par leur dévouement à sa personne, plutôt que par leurs talens et leurs lumières. Un de ses amis du Tennessée, M. Barry, fut fait directeur-général des postes[1] ; son

  1. Le cabinet américain se compose de six membres : le secrétaire-d’état, les ministres de la guerre, de la marine et des finances, l’attorney-general et le postmaster-general.