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outre mesure peut-être l’animation et l’intérêt de ses premières compositions dramatiques ? N’est-ce pas elle qui, en relevant l’énergie d’action des Deux Cadavres, sans insister suffisamment sur l’exagération mélodramatique et les négligences de style de cet ouvrage, a le plus puissamment aidé l’auteur à prendre place parmi les plus féconds de nos romanciers ? Voici pourtant que les préfaces de M. Frédéric Soulié commencent d’assaillir rudement cette inoffensive critique dont il n’avait reçu que de bons offices. « Il y a depuis quelque temps, dit M. Frédéric Soulié dans l’introduction de ses Romans historiques du Languedoc, il y a, parmi les critiques réputés savans, une sorte de croisade contre le genre du roman historique. Ces critiques ont attaqué avec une amertume que l’on pourrait prendre pour de l’impuissance les facultés qui semblent nécessaires à l’auteur qui veut faire du roman historique. De toutes ces facultés, celle qui excite le plus les dédains de ces messieurs, c’est l’imagination. »

Notez bien que M. Frédéric Soulié jette tout d’abord au nez des critiques le reproche d’impuissance. N’importe. C’est le reproche inévitable ! Passons. Mais cet écrivain ne construit-il pas à plaisir les moulins à vent qu’il lui plaît de combattre ? Aviez-vous ouï seulement parler de cette croisade qu’il signale ? Nous sommes inondés depuis quinze ans de détestables romans historiques, voilà le vrai. Ce sont eux qui se sont coalisés contre nous ; ce n’est pas nous contre eux. Le genre en lui-même est excellent, comme tous les autres, pourvu qu’on le traite dignement ; nul n’a songé à contester cela. Le succès universel de Walter Scott l’a bien prouvé. Malheureusement l’école qu’il a fondée chez nous n’a pas été féconde en chefs-d’œuvre. À deux ou trois honorables exceptions près, qui réclament leur part d’originalité et d’antériorité, qu’a-t-elle produit qui valut la lecture ? Viennent cependant les romans historiques de la famille des Puritains d’Écosse et d’Ivanhoé, vous verrez s’il est une croisade qui empêche leur triomphe. Quant au dédain de l’imagination, quel critique savant ou réputé savant se l’est donc permis ? C’est assurément M. Frédéric Soulié qui le suppose ou qui l’a rêvé. L’imagination, ce trésor si rare et si bien caché ; l’imagination vraie, non par le cauchemar et le dévergondage, nous, la dédaigner ! Mais dites seulement où elle est, où elle se dérobe, et vous verrez comme nous nous prosternerons pour l’honorer.

Certainement, M. Frédéric Soulié a écrit sa préface sous l’inspiration d’un accès de spleen bien ténébreux. Le jour qui a vu naître ce manifeste devait être horriblement sombre. Il aura montré à l’auteur toute chose en noir, et la critique plus noire que toute chose. Plus loin, l’introduction s’excuse près des lecteurs de l’ennui qu’elle leur cause fort