Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
229
REVUE LITTÉRAIRE.

plicitement toute cette proposition. Le sceptre a été brisé aux mains du prêtre, c’est vrai ; mais sa dépouille n’a pas également profité aux diverses conditions entre lesquelles l’écrivain la répartit. Et d’abord la portion spirituelle de la domination sacerdotale n’a été le legs de personne. Elle s’est évanouie avec la croyance des ames qu’elle gouvernait. La portion temporelle a pu échoir à l’avocat et au journaliste. Nous ne pensons pas que le médecin et le notaire en aient rien recueilli. Quel surcroît de pouvoir leur a valu la transformation sociale ?

M. Léon Gozlan montre très bien qu’aujourd’hui le notaire s’attribue la confiance sans réserve du spéculateur, du gros et du petit riche qui lui remettent le soin de leurs contrats et de leurs fortunes ; que le médecin est l’oracle du malade et reçoit la confidence de toutes ses infirmités. Mais ces rapports de dépendance d’une part et d’ascendant de l’autre n’existaient-ils pas autrefois concurremment avec l’ascendant religieux ? Quand la souffrance physique réclamait des remèdes, lorsque la possession des biens nécessitait l’assistance d’un officier compétent qui en réglât l’ordre et la transmission, n’y avait-il pas recours aveugle et soumission entière au médecin et au notaire ? Si le notaire conduisait habilement et honorablement les affaires, si le médecin soulageait le mal moral en soulageant le mal physique, ils en étaient d’autant plus respectés et bénis en leurs qualités spéciales de notaire et de médecin. Ils étaient ce qu’ils ont été toujours, ce qu’ils sont encore, des hommes nécessaires et influens, dans une sphère étroite et bornée. Nous ne voyons pas qu’ils soient devenus autrement souverains et dominateurs.

Les nouveaux dominateurs (ici nous nous retrouvons complètement de l’avis de M. Léon Gozlan) sont bien l’avocat et le journaliste. La révolution a immensément agrandi le cercle où ils se meuvent. En élevant sur les ruines de la chaire la tribune d’où ils moralisent les rois et les peuples, ils ont pris au prêtre toutes les chances temporelles qu’il avait de conquérir la souveraine autorité, de devenir, par exemple, un Richelieu ou un Mazarin. Nous souhaitons de voir M. Léon Gozlan aborder vite ces influences vraiment neuves et grandes de la plume et de la parole ; ce seront elles qui lui ouvriront un domaine vaste et inexploré.

Les deux premiers volumes des Influences exposent dramatiquement celle du notaire. Laissons de côté le drame. À quoi bon la sèche analyse d’un livre abondant et nourri qu’il faut lire tout entier ? C’est assez d’introduire ici le personnage principal du Notaire de Chantilly, Me Maurice, le notaire lui-même, l’un des rois de M. Léon Gozlan. Maurice est honnête homme au fond, mais c’est un homme faible. Une femme ambitieuse, affamée de luxe, et surtout Victor Reynier, son beau-frère, qui ne connaît point de scrupules, le poussent ensemble à employer en achats de maisons