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à être donnée en prix impunément dans les pensions de demoiselles. Mais il fallait le dire, ou plutôt il fallait ne rien dire, il fallait garder l’anonyme. Il ne fallait pas rendre responsable de la Première Communion le même nom qui avait signé Mademoiselle Justine de Liron, ce petit chef-d’œuvre de naturel élevé et de simplicité exquise.

Ne soyez pas plus effrayés du titre grec du Dodecaton, que de son autre titre de Livre des Douze. Le Dodecaton ne renferme rien de grec ni de scientifique. Il n’est pas le moins du monde parent du Livre des Cent et un. Le Livre des Cent et un était une cohue, une sorte de meeting radical. Le Livre des Douze est une société choisie, une réunion de bonne compagnie. Vous pouvez en pleine confiance ouvrir le Dodecaton à telle page qu’il vous plaira ; vous êtes sûr de ne vous point fourvoyer. Ce sera à M. Alfred de Vigny, à M. Mérimée que vous aurez affaire, à M. Loève-Veimars, ou à tout autre écrivain aussi bien établi dans le monde littéraire. Nous voudrions examiner en détail tous les piquans morceaux qui composent le Dodecaton. Ce serait une agréable tâche. Il y aurait tant de choses à approuver et si peu à reprendre ! Nous devons nous borner à nommer les compositions principales. Quelques-unes, comme la charmante comédie de Quitte pour la peur, par M. Alfred de Vigny, la nouvelle si coquette de Beata, par M. Auguste Barbier, la légende si pittoresque des Âmes du Purgatoire, par M. Mérimée, ont été empruntées à la Revue des Deux Mondes, et ont acquis la valeur de chose jugée. Le Dieu inconnu, de George Sand, ne fera point de tort à la renommée de l’auteur de Lélia. C’est un beau bas-relief antique, simple, pur et grave. Le Voyage à Brindes, de M. Jules Janin, répand partout sur sa route des pluies d’étincelles. On dirait cinq ou six des meilleurs feuilletons de cet écrivain, cousus l’un au bout de l’autre. On serait tenté de reprocher au proverbe de Faire sans dire, de M. Alfred de Musset, son extrême rapidité. Mais quel éclat dans le dialogue ! quelle observation à la fois poétique et vraie, participant de la réalité et de l’imagination ! M. Alfred de Musset est sans aucun doute appelé à produire sur la scène un des talens les plus originaux et les plus propres à nous donner la véritable comédie. Nous croyons savoir qu’il se dispose à tenter cette épreuve, et nous pouvons lui prédire un beau succès. MM. Alexandre Dumas, E. Souvestre, Léon Gozlan, ont prêté à ce livre l’appui de leur talent. En somme, le Dodecaton pourrait bien relever tout d’un coup la vogue tombée des associations de conteurs. Dût pourtant l’émulation des libraires rassembler les nouvelles par centaines, nous doutons fort qu’elle produisit, en beaucoup de volumes, une somme de mérite égale à celle condensée dans le Livre des Douze.


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