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REVUE. — CHRONIQUE.

M. Odilon-Barrot, avec sa phrase sentencieuse et sévère ; M. Dufaure, dont le talent d’exposition est si vif et si net ; M. Dupin, qui n’a pas sans doute épuisé, contre la secte mystique, toutes ses perfidies et ses sarcasmes ? À tous ces adversaires réunis, M. Guizot ne pourra opposer que sa phraséologie rebattue sur les passions des partis, la mauvaise queue de la révolution, l’anarchie, le caput mortuum. M. Guizot semble ignorer que les chambres ne se contenteront plus désormais de cette éloquence creuse et facile. Ce qu’il faut aujourd’hui, ce sont des faits, de la modération, de la discussion calme et élevée. Sans aucun doute, M. Molé, que M. Guizot espère annihiler à la tribune, obtiendra une influence autrement sérieuse et respectée. M. Molé n’est pas un orateur aux yeux de M. Guizot, parce que M. Molé ne partage pas toutes ses idées systématiques ; mais, d’un autre côté, M. Guizot n’est qu’un ministre provisoire aux yeux de tous les hommes qui veulent une discussion de faits, une éloquence positive. Il est donc de toute vraisemblance que la présence des chambres amènera dans le cabinet de sérieuses modifications. On commence à remarquer les fautes, les périls et l’isolement de M. Guizot ; on parle d’une lettre de M. de Barante, qui déplore l’esprit exclusif du chef du parti doctrinaire et ses répugnances opiniâtres contre l’ancien ministre de l’intérieur ; de Saint-Pétersbourg, M. de Barante ne paraît pas juger viable l’existence ministérielle de M. Guizot.

Alger ne cesse pas d’occuper l’attention publique, et cette sollicitude prouve, sans réplique, que la colonie africaine a pris définitivement place au rang des intérêts généraux de la France. Les votes de la chambre permettaient d’élever le chiffre de notre armée à vingt-un mille hommes pour l’année 1836, et à vingt-trois mille pour l’année 1837. Il paraît qu’à l’heure qu’il est l’effectif est de trente mille Français, plus cinq mille indigènes. Il entrait dans la politique du dernier cabinet, et notamment de M. Thiers, d’imprimer à notre établissement d’Afrique un puissant essor. M. de Rancé, aide-de-camp du maréchal Clauzel, est venu demander huit mille hommes de plus pour faire l’expédition de Constantine. Il a été répondu par M. Molé, que le ministère qui s’était formé dans l’absence des chambres, devait, plus qu’un autre, rester plutôt en-deçà qu’aller au-delà des crédits votés ; que si le maréchal croyait pouvoir faire l’expédition de Constantine avec les forces dont il disposait, qu’il la fît ; sinon qu’il fallait la remettre au commencement du printemps. En même temps, le général Danremont était envoyé en Afrique, avec mission apparente d’examiner la situation, mais secrètement muni de pouvoirs suffisans pour prendre le commandement de l’armée, si le maréchal Clausel croyait ne pas pouvoir le garder sans augmentation de forces. Le maréchal a répondu par le télégraphe qu’il restait en Afrique, et se