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proportion de sa mise de fonds, au revenu du capital, et à la distribution des salaires dans la proportion de sa capacité. N’est-ce pas là la seule égalité possible dans l’industrie aussi bien que dans l’état ?

Ce que l’on faisait autrefois par l’énergie de l’esprit de famille, par la puissance des convictions religieuses ou par la dépendance étroite du lien féodal, nous ne pouvons plus l’accomplir que par la communauté des intérêts. On a remarqué que le travail des hommes libres était plus productif que celui des esclaves ; mais le mercenaire libre lui-même ne travaille pas avec la même ardeur que l’ouvrier qui a un intérêt dans les profits du travail : la seule manière d’attacher l’artisan au métier et le laboureur à la glèbe, c’est de les associer à la propriété.

Le principe de la société en commandite n’a été appliqué jusqu’ici qu’à la propriété mobilière. La propriété foncière se tenait en dehors des combinaisons qui ont développé le commerce et l’industrie. Maintenant que l’agriculture devient aussi une industrie, elle ne pourra, pas plus que les autres, se passer de la force que donne l’association. Nous avons cité un exemple de cette tendance, le seul qui soit encore public ; mais d’autres entreprises se préparent, une idée comme celle-là ne doit pas rester en chemin.

Une communauté industrielle, fondée sur ces principes d’association, existait encore, il y a quinze ans, dans les montagnes de la Thessalie. Une peuplade de fileurs et de teinturiers était arrivée, par le seul effort de cet instinct calculateur qui est propre à la race grecque, aux mêmes résultats qui sont pour nous aujourd’hui des inductions de la science. Les habitans d’Ambelakia, bourg de quatre mille ames, distribué en vingt-quatre fabriques, avaient organisé la république commerciale que M. Félix de Beaujour[1] décrit dans les termes suivans.

« Les comptoirs d’Ambelakia furent régis, dans le principe, par des sociétés qui avaient chacune leurs intérêts particuliers. Mais ces sociétés se nuisant par la concurrence, on imagina de les réunir toutes pour n’en former plus qu’une seule. Le plan d’une grande commandite fut conçu, il y a vingt ans, et un an après, il fut exé-

  1. Tableau du commerce de la Grèce, ire partie.