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DÉMÊLÉS DE LA FRANCE ET DE LA SUISSE.

On sait que les conclusions du rapport de M. Keller furent adoptées par la diète ; mais il n’y eut pas d’exécution. Aussitôt que l’adhésion de Fribourg et de Saint-Gall eut rendu obligatoire pour le directoire fédéral la transmission des pièces au gouvernement français, qui ne les aurait pas reçues, le ministère renvoya en Suisse M. de Belleval, qui était venu à Paris rendre compte de toute l’affaire, avec une note, dont la remise fut faite le 27 septembre au vorort. C’était une demande de réparation, soutenue par les mesures que commandaient les circonstances et l’honneur outragé du pays. Cette note trahissait une main ferme et habile, qui n’avait pas voulu s’en remettre à d’autres du périlleux devoir de faire dignement parler la France. Elle a nécessité la convocation d’une diète extraordinaire, qui s’est réunie le 17 octobre[1].

Nous venons d’exposer loyalement et sans préventions les causes d’une crise déplorable, dont les véritables ennemis de la Suisse ont dû s’applaudir, mais qui touche à son dénouement, et qui déjà peut-être a reçu la solution également désirée par les deux peuples. La France, entraînée, malgré elle, dans une querelle inattendue, ne peut vouloir ni l’humiliation, ni la ruine de son ancienne alliée. Il ne s’agit pas d’une de ces réparations à la Louis XIV, qui ne sont plus dans nos mœurs, et qui d’ailleurs ne s’exigent que d’un ennemi. La France n’est pas et ne veut pas être l’ennemie de la Suisse ; et c’est parce qu’elles peuvent, parce qu’elles doivent facilement s’entendre sans intermédiaire, que la France n’a invoqué, en cette occasion, la médiation de personne. C’est presque une querelle de famille, dont les étrangers ne se mêleraient que pour en profiter. Car il faut bien que la Suisse le sache : elle ne peut avoir d’amie désintéressée que la France, et elle aura toujours besoin d’un appui, d’une protection, que la France, une fois ce nuage dissipé, lui accordera comme par le passé, sans le faire acheter au prix que les autres y mettraient. Il a été plusieurs fois question de la médiation de l’Angleterre. Nous ignorons si elle a été sérieusement proposée. Mais en voyant les efforts que fait actuellement l’Angleterre pour pénétrer sur le continent et les inquiétudes que lui donne l’association des doua-

  1. Sur quarante-huit députés, on en compte dix-huit qui ne faisaient point partie de la diète précédente. Plusieurs cantons ont entièrement renouvelé leur députation.