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AFFAIRES DE ROME.

donc en un sens, et malgré l’extrême contrariété des moyens, lien étroit, et, en quelque sorte, unité de but, entre la fondation de l’Avenir et la brochure des Progrès de la Révolution. Seulement l’auteur de l’Avenir répudiait dès l’abord un certain nombre d’erreurs violentes contre le régime de liberté, et, en tenant toujours au clergé un langage d’exhortation, en le provoquant encore à une sainte ligue, il abjurait net toute espérance d’ordre temporel théocratique, dont cette soudaine révolution l’avait désabusé. Ce rôle, ainsi transformé, devait rester quelque temps suspect aux anciens libéraux et démocrates qui disaient : Est-il sincère ? Mais à ceux qui connaissaient la personne de M. de La Mennais, et son ingénuité franche, et son ressort d’intelligence et de zèle, cette transformation paraissait simple et digne de lui. Il n’y avait pas là encore de solution de continuité à proprement parler ; la rupture n’était que dans l’ordre humain et secondaire : la foi faisait pont sur l’abîme. La ruine était aux pieds, le labarum au ciel brillait toujours. Que cette nuance, chez l’abbé de La Mennais, nous parut belle ! C’est alors que nous l’avons connu et aimé.

Pourtant ce rôle impliquait de nombreuses inconséquences qui tendaient à sortir, et qui rendaient la tenue prolongée de la position scabreuse et à peu près impossible. Le pape, invoqué sans cesse, pouvait parler, et force était alors d’obéir ou de n’être plus du tout le même. Et puis, seulement en se taisant, Rome imposait à ces démocrates catholiques plus d’une discordance évidente : ainsi, pour prendre un point de détail, en fait d’insurrection, dans l’Avenir, on défendait les Polonais, on inculpait les Bolonais. Ce rôle donc, surtout eu égard à la tournure générale des affaires en Europe et au rétablissement de l’ordre, ne pouvait durer. Il fallait ou en sortir et tomber à la démocratie pure et à un christianisme librement interprété, ou bientôt être réduit à se taire en vertu de défense supérieure. Ce dernier résultat ne me paraissait pas, je l’avoue, aussi déplorable et aussi nécessairement infertile que l’a jugé l’illustre auteur. Il était beau après tout, et de grand exemple, tant qu’il l’avait pu, lui prêtre, d’avoir tenté un réveil, d’avoir jeté à poignées des semences. Que si Rome intervenait et lui commandait de cesser, il me semble (autant qu’on a droit de raisonner sur les desseins providentiels) qu’il n’était pas si déraisonnable à un catholique resté croyant à la liberté et en même temps soumis au