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sente l’affaire Conseil. De quelle police secrète cet homme était-il l’agent ? Au profit de qui espionnait-il ? Toute cette histoire est encore fort louche ; mais, heureusement, la réconciliation des deux pays ne dépendait pas de son éclaircissement.

M. Molé, qui a déployé dans les affaires de la Suisse une intelligente rapidité, vient de dissoudre à Pau un congrès absolutiste au petit pied. On se rappelle que les chargés d’affaires d’Autriche, de Prusse, de Naples, ont dû quitter Madrid après la proclamation de la constitution de 1812. Ces chargés d’affaires avaient trouvé commode de s’établir à Bayonne pour y seconder don Carlos de leurs intrigues ; puis, ils se rendirent de Bayonne à Pau, dans la crainte d’éveiller l’attention du gouvernement français. Mais ces petites menées n’ont pas échappé aux regards de M. Molé, et le président du conseil a écrit aux cours d’Autriche, de Prusse et de Naples, qu’elles eussent à rappeler leurs agens. En général, M. Molé favorise la cause constitutionnelle autant qu’il le peut, lié par un système d’inaction complète ; mais tout son bon vouloir ne peut corriger l’ingratitude d’une fausse situation.

On travaille au ministère de l’intérieur comme si on s’attendait à une réélection générale. De grandes mutations se préparent, dit-on, dans les préfectures et les sous-préfectures. On pèse les dévouemens, on compare les mérites et les habiletés, on apprécie les nuances. On dit que le sous-préfet d’Aix, dont le zèle paraît un peu tiède, est inquiété dans sa position, et on irait ainsi jusqu’à menacer la réélection de M. Thiers. Si M. Guizot a surtout insisté pour l’éloignement de M. de Montalivet du ministère de l’intérieur, c’est que ce dernier avait déclaré qu’il ne se prêterait jamais à écarter de la chambre des hommes qui n’avaient d’autre tort que de n’être pas les amis politiques de M. Guizot, mais dont la capacité et le patriotisme étaient utiles au pays, comme MM. Dufaure, de Malleville, de La Redorte, Vivien, Felix Réal, Roger ; cette impartialité ne saurait convenir à M. Guizot. Le ministère veut aussi bien écarter le centre gauche que la gauche ; on n’a pas perdu l’espoir d’obtenir du roi une dissolution, si la chambre se montre difficile, défiante et sévère, et l’on travaillera aux élections suivant ces trois degrés : d’abord on ordonnera aux préfets d’appuyer tous les doctrinaires purs, puis les hommes du centre droit, enfin les hommes de la droite. Ordre de soutenir les candidats royalistes contre les hommes nouveaux de la révolution de 1830. De leur côté, les royalistes sont résolus d’aller aux élections prochaines, et de prêter le serment exigé : ils ont adopté la maxime : Dolus an virtus, quis in hoste requirat ? Recherchés et flattés par MM. Guizot et Gasparin, ils trouvent qu’il y aurait folie à ne pas profiter de la faveur des circonstances.

Sans doute, un gouvernement ne saurait être intolérant, exclusif, et ne doit pas ressembler à un parti ; mais il doit attendre qu’on vienne à lui pour tendre la main, et certains membres du ministère ne l’entendent pas ainsi. On écrit en Vendée, on correspond avec les évêques, on offre des faveurs, on se présente comme les restaurateurs de la société et de la religion. Sous l’ancien gouvernement nous avions à demander, aujour-