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raître arraché à la régente par l’attitude des provinces et les remontrances des capitaines-généraux, l’avenir de l’Espagne eût pu se présenter sous des couleurs moins sombres.

Le parti libéral déploya une véritable habileté durant l’administration transitoire de M. de Zéa. Se ralliant au seul nom d’Isabelle, il parut d’abord s’offrir sans conditions, assuré d’être promptement en mesure d’agir à son gré. Dominés par les circonstances, les capitaines-généraux, dans presque toutes les provinces, avaient dissous et désarmé les volontaires royalistes, sans attendre les ordres du ministère qui, après de longues hésitations, dut sanctionner un fait désormais consommé. En Catalogne, Llauder avait organisé vingt mille gardes d’Isabelle pour faire tête à l’insurrection ; dans le royaume de Valence, on dut, pour résister, recourir à une mesure analogue. Partout l’autorité se voyait contrainte de remettre les commandemens à des officiers libéraux, quelquefois à des émigrés rentrés de la veille : déjà Valdez, plus dévoué sans être plus heureux, avait remplacé Saarsfield en Navarre ; l’amnistie, d’abord limitée, avait été étendue à tous les proscrits, qui, en rentrant dans leur patrie, recevaient les avances du pouvoir, au lieu de lui donner des gages. Mais tout cela se faisait en vain : une idée fermentait dans toutes les têtes comme en 1808, comme en 1820, une idée, force irrésistible, dès qu’elle parvient à se formuler.

Llauder se charge de ce soin ; il lance sa fameuse exposition, déclare qu’il faut consulter la nation, et prononce le premier le nom retentissant des cortès. À ce mot répété par la plupart de ses collègues et que le conseil de régence avait déjà murmuré, le ministère Zéa s’écroule ; et un décret royal[1] remet le sort de la monarchie espagnole à M. Martinez de la Rosa et aux hommes du ministère de 1821, aux chefs de l’ancienne opinion bicamériste.

Ici nous devons cesser de suivre l’ordre des évènemens pour embrasser la situation de la Péninsule, qui va se dessiner enfin dans son ensemble et sa vérité. L’instant est venu de rechercher si des noms honorables, dont la signification politique nous est actuellement bien connue, expriment une opinion assez puissante pour se produire hautement et pour se défendre ; de se demander si nous avons enfin, après tant de vicissitudes, atteint cette couche solide jusqu’à laquelle il faut pénétrer pour résister au vent des révolutions. Nous n’hésitons pas à préjuger cette question par une réponse affirmative, et à déclarer qu’à nos yeux, un pouvoir exercé par MM. Martinez de la Rosa, Gareli et Toreno, dans le sens des idées constamment défendues par ces hommes politiques, est le seul instrument

  1. 16 janvier 1834.